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Le tournage diaboliqueDurant les jours qui précèdent le tournage du reportage, la santé du fondateur du CERPI décline encore gravement. Les médicaments sont désormais totalement sans effet. L'avis des médecins est clair : une opération s'impose et le plus tôt sera le mieux afin d'éviter le pire. Mais dans les conditions présentes, cela ne pourra se faire qu'après le reportage car il n'est pas question de rater celui-ci. C'est peut-être tout un avenir professionnel qui se jouera alors. Or donc, on fera "à la guerre comme à la guerre ". Si, le jour venu, les choses ne se sont pas arrangées comme par enchantement, le courageux président du CERPI a pris un maximum de précautions. Il s'est gavé d'antidiarrhéiques et d'antidouleurs, il en prend d'autres encore avec lui et de quoi s'hydrater. Dans le coffre de sa voiture, il emporte même un WC chimique et du papier hygiénique ! Pourvu que rien de fâcheux ne se produise au plus mauvais moment ! Il est le premier sur place, à Arc-Wattripont, où il est mal accueilli par l'épouse du propriétaire : "Vous êtes qui, vous ? " Décidément, on ne se trouve pas au royaume de la mémoire et cela ne fera que se confirmer par la suite). Ce n'est pourtant pas ce qui apparaîtra dans l'émission. Mais il communique avec l'équipe télévisée par GSM. Celle-ci termine un autre reportage et arrive tout de suite. En attendant, il s'entretient encore avec les propriétaires et les rassure quant au professionnalisme des journalistes. On échange encore quelques mots à propos des phénomènes actuels et puis voilà la camionnette de la télévision qui arrive. Le journaliste présente son équipe, ils sont trois au total, le matériel n'est pas trop encombrant. Le tournage ne durera pas très longtemps dans la maison : c'est surtout le boss du CERPI qui sera "sous le feu des projecteurs ". Pendant que l'équipe officie avec les propriétaires, le président observe, en se tenant à l'écart, pour ne pas gêner. Mais il joue aussi le jeu du photographe photographié et filme un instant l'équipe au travail. Le journaliste se retourne et l'aperçoit. Apparemment, cela ne lui plaît pas, mais il ne dit rien. (NDLR : nous avons conservé ces rushes). Le journaliste questionne le vieux monsieur. Un échange le surprend, notamment lorsqu'il entend le journaliste lui demander : "Et les volets, il y avait des volets à l'époque ? " Et le propriétaire de répondre : "Oui, encore maintenant... et il n'y avait rien non plus... " (Voilà qui est fort ! pense-t-il. Puisque son épouse et lui avaient lourdement insisté pour dire que toute la devanture et la fenêtre tremblaient "terrible ", au point qu'un gendarme avait dû faire reculer le combi ! Mais M. Vanbockestal connaît maintenant le type de propos de ces personnes âgées et il ne se permet pas d'intervenir dans une séquence de tiers. La contradiction sera sans doute relevée ultérieurement. Il n'a pas pu entendre ce qui s'était dit à l'étage et qui était de la même veine. Le "non plus " lui suggère d'autres réponses négatives préalables, étonnantes). Avant de passer à l'extérieur, pour "son " enregistrement, les journalistes se livrent encore à de petits artifices : on bouge une chaise que l'on filme, on pousse une porte. Cela suffira, car au montage cela donnera de petits effets spéciaux simulant une porte qui s'ouvre en grinçant et une chaise qui bouge toute seule. On est loin de Spielberg. Les journalistes prennent congé de leurs hôtes en leur signalant la date de la diffusion et la chaîne en question. Et maintenant, allons-y pour la seconde partie ! Celle-là se fera dehors afin de ne pas déranger davantage les habitants, d'autant qu'il fait soleil. Mais avant de quitter les lieux, la maîtresse de maison insiste auprès du leader du CERPI pour que le nom d’Éric ne soit pas prononcé. Elle insiste même lourdement et M. Vanbockestal promet qu'il en ira ainsi, même si cela lui paraît aussi bizarre. Il avise celui qui l'interviewera de la demande expresse de l'épouse du propriétaire et le concerné en prend bonne note. Et c'est parti ! (NDLR : il était en effet très étonnant, voire incompréhensible que la maîtresse de maison insiste de la sorte pour que le nom d'Éric Barbé ne soit pas cité à l'écran, elle qui ne se souvenait même plus de lui quelques jours auparavant lors de notre visite domiciliaire; cela n'avait aucun sens puisque le nom du jeune homme avait en effet été cité des centaines de fois, à la télévision, dans les journaux, à la radio ou dans des livres. Éric ne s'était finalement pas marié avec Nathalie, on ne voyait rien dont l'évocation de son nom puisse être préjudiciable.) Pour M. Vanbockestal, dont c'est une première "grande télévision ", le trac monte d'un cran. Mais il se contrôle, comme à l'habitude. Il maîtrise ses nerfs. Bien sûr, il a déjà acquis une certaine expérience des conférences, des interviews radiophoniques, mais ici les choses sont très différentes. La chaîne est bien connue et il va passer dans les petits écrans face un million de téléspectateurs, sinon plus, ce n'est pas rien !) "Vous n'avez pas oublié les jumelles ? " "Non, elles sont dans ma voiture, je les prends tout de suite ". (Décidément, il y tient à ses jumelles ! Pense t'il) Commence alors une étrange suite de prises de vues où il doit avancer le long du chemin en regardant avec ses jumelles.
Puis on lui fait recommencer, plus lentement, les rabaisser et puis regarder à nouveau. On change d'endroit et on recommence. Cela l'agace
profondément et au bout d'un moment, il s'esclaffe : "J'espère que vous n'allez pas diffuser ceci, messieurs, car le cache des jumelles
était resté dessus. Cela n'aurait pas fait sérieux, n'est ce pas ? Vous ne l'aviez pas vu, avec votre caméra ? Vous rendez-vous
compte comme j'aurais eu l'air ridicule avec ces jumelles aveugles devant les yeux ?
(NDLR : apparemment, c'est bien ce que le journaliste devait rechercher...) Journaliste : "Oh, ça ! C'est pour souligner le côté enquêteur... " Bon, soit ! M. Vanbockestal n'est pas un professionnel de la télévision. Laissons faire les vrais pros, faisons-leur confiance, se dit-il. A tort, d'ailleurs.On change d'endroit et l'on s'en va dans un petit chemin de traverse, entre le pylône à haute tension et la maison. Entre les deux se trouve un champ de betteraves. Tout se présente magnifiquement pour le reportage dominical sur les potagers et le jardinage... L'un des opérateurs s'aventure dans le champ à la recherche d'un endroit propice (?) mais l'animateur le rappelle : "Arrête ! Reviens ! Monsieur a mis son beau costume ! On va faire ça ici sur le bord de la route.(NDLR : "Monsieur a mis son beau costume ". Qu'est-ce que cette phrase pouvait sembler ironique !) On place un écran, probablement pour le bruit ou pour le soleil, et puis le jeu des questions - réponses va pouvoir commencer... Le journaliste, en guise de mise en bouche, pose une question sur le CERPI, à laquelle son président répondra comme il se doit. Il s'agit de l'enfance de l'art. Il explique donc qu'il s'agit du Centre d'Études et de Recherches sur les Phénomènes Inexpliqués, un groupement belge qui comme son nom l'indique étudie tout ce qui peut être mystérieux, de près ou de loin, mais avec une approche scientifique, cartésienne, en tentant prioritairement d'éliminer toutes les possibilités d'explications rationnelles avant d'envisager d'éventuelles hypothèses moins conventionnelles. Ce n'est donc pas le groupe d'illuminés qui voient la queue du diable partout ou crient au fantôme au moindre courant d'air... Mais il ne s'agissait sans doute ici que d'un essai pour le son et de se mettre en confiance car ce passage ne sera pas diffusé. (A moins qu'il ait été jugé que c'était trop valorisant pour le CERPI ?) On en vient au cas proprement dit, l'affaire d'Arc-Wattripont. Le président reprend : "C'est en tous cas un cas très retentissant qui a vu le jour en 1993 et qui a fait le tour du monde pour qui s'intéresse aux phénomènes paranormaux. C'est un cas qui jusqu'ici n'a encore trouvé aucune explication malgré l'intervention conjuguée de la police et de la gendarmerie qui existaient encore conjointement à l'époque et malgré l'intervention de hauts spécialistes en matière de détection de fraudes aux phénomènes paranormaux. " La question suivante porte sur le beau-fils qui avait été exorcisé, mais le journaliste prononce clairement son nom, exactement comme ne le voulait pas son ex-future-belle-mère ! Le boss du CERPI suspend alors la séquence en rappelant la disposition convenue. Le journaliste coupe, visiblement contrarié. (Il était pourtant très facile de contourner le desiderata demandé : il aurait suffit de parler du beau-fils, du "possédé ", de l'épicentre des phénomènes, du jeune homme qu'ils avaient hébergé, du petit ami de Nathalie, etc. Le journaliste devait aussi avoir la mémoire bien courte puisque le desiderata en question lui avait été formulé seulement quelques minutes avant !) On en revient aux spécialistes présents à Arc-Wattripont en 93 et M. Vanbockestal cite Vladimir Verovacki, de l'Université de Belgrade, bien entendu Gérard Majax et Henri Broch... on a même parlé des frères Bogdanov... Peu après le reportage, mais un peu trop tard, il se souviendra avoir commis une erreur due au stress de la télévision : il a cité Majax et Broch, alors que ces deux compères étaient les instigateurs du prix défi zététique avec Jacques Théodor (qui, lui, était bien présent sur les lieux en tant qu'investigateur). Il a donc commis un lapsus entre " instigateurs " et "investigateurs "... Quant aux frères Bogdanov, il le sait, rien n'est certain même si d'aucuns l'ont prétendu dur comme fer. Selon eux, ils seraient bien venus, mais plus tard dans l'affaire. Mais dans ce cas, peu importe car il a pris soin de dire "On a parlé des frères... " ce qui évoque bien une rumeur et non une affirmation. Journaliste : "Le livre que vous écrivez traitera-t-il exclusivement de l'affaire d'Arc-Wattripont ? " "Non, il s'agira d'un livre consacré aux phénomènes inexpliqués en Belgique dans un concept général. Il y aura donc un chapitre consacré à certaines manifestations folkloriques ou historiques, le trésor des Templiers et Nostradamus, l'ufologie, etc. " Journaliste : "Saviez-vous, monsieur Vanbockestal, que Monsieur Jacques Théodor a pu voir la fameuse cassette du parquet, dont il détenait une copie dans son garage et qu'il n'y a strictement rien sur cette vidéo ? " (NDLR : le point évoqué ici est particulièrement important dans l'articulation du narratif car cela sous-entend qu'il y aurait eu mensonge de la part de l'un des deux protagonistes principaux parmi les enquêteurs, ou parjure grave puisqu'il devait y avoir serment sur l'honneur de ne rien révéler du contenu de la K7 à qui que ce soit. Or, ben voyons : on allait en parler à un journaliste, mieux on allait lui montrer ! En outre, pourquoi exiger ce serment sur l'honneur si la K7 ne révèle strictement rien ? Cela n'a aucun sens ! A la diffusion, le reportage allait toutefois évoquer l'interdiction d'accéder à la K7 conservée par le Procureur du Roi, qui refusait de la montrer "par peur du ridicule ", avant qu'apparaisse la mention "censured "). Là, le leader du CERPI est mal embarqué. Qu'est-ce que c'est que cela ? "Jusqu'ici, je me suis laissé dire que cette cassette avait été saisie par le Parquet du Procureur du Roi et qu'elle faisait partie des pièces intouchables protégées par le black-out. De plus, les seules personnes qui auraient pu voir le contenu de la cassette ont dû prêter serment sur l'honneur de ne rien en révéler, cela me paraîtrait donc étonnant que... " Journaliste : "Mais nous avons pu voir cette cassette et il n'y avait rien dessus, effectivement, pas le moindre phénomène ! " "Alors si vous parlez de la cassette originale, je ne comprends pas... ou alors cela signifierait que quelqu'un m'ait menti. " Journaliste : "M. Vanbockestal, quelle est la cause de ces phénomènes selon vous ? "" Il est trop tôt pour se prononcer mais on pourrait envisager une conjonction d'influences entre les câbles à haute tension et la configuration géobiologique du terrain, des nœuds de mailles des réseaux Hartmann, Schuman, Curry, Peyré... " Journaliste : "Les câbles à haute tension pourraient jouer un rôle selon vous ? " " Si tel devait être le cas, on comprendrait mal qu'il ne survienne rien de tel dans toutes les autres maisons qui, comme celle-ci, sont survolées de câbles électriques. Cela dit, il y a manifestement un champ électromagnétique et Electrabel n'a pas révélé tous ses secrets. " Journaliste : "Un champ électromagnétique aurait pu provoquer de tels phénomènes, la lévitation de la table, par exemple ? " "C'est peu probable, mais en tous cas dans ce cas-ci il est question d'un soulèvement des quatre pieds qui aurait duré fort longtemps ". Journaliste : "Quelle est la formule qui régirait ce phénomène électrique ? ""Ah non ! Excusez-moi. Coupez ! Je ne suis pas électricien ni physicien, moi ! " Rageur, M. Vanbockestal boit un coup à sa bouteille de cola. Le leader du CERPI a de plus en plus l'impression de jouer dans un mauvais film, c'est quoi ce reportage ? Pendant ce petit break, le Président exprime donc son mécontentement face au journaliste : il avait été convenu d'agir en synergie alors qu'ici on lui tapait dans le dos en veux-tu en voilà ! Le journaliste se retrancha derrière un argument qui paru aussi faux qu'un billet de 2.5 €, l'information était toute fraîche et il n'avait pas eu le temps de la communiquer. De toute façon, il prévoyait une émission-débat au cours de laquelle Jacques Théodor et lui seraient confrontés. Voilà qui aurait certainement fait des étincelles. Sauf que cette émission ne se fit jamais et, désormais, nous pouvons le dire : elle ne pourra plus jamais se faire puisque l'immunologue et ancien du CNRS, chef de file du groupement zététique est décédé. il devait être dit que l'affaire d'Arc-Wattripont était réellement maudite (Franck Boitte, ancien membre de la SOBEPS et membre du CERPI avait pourtant bien prévenu le Président du CERPI : "Ne te frotte pas à cette affaire, c'est un bon conseil ". Franck Boitte est décédé un peu plus tard, peu après le décès de son épouse qui, elle aussi, explorait le domaine !) On reprend : Journaliste : "Le garde champêtre nous a dit que quand il tenait le beau-fils à l'œil rien ne se passait et qu'il tirait sur le fil du téléphone avec son pied pour faire croire à un phénomène... " "Ce policier est un sceptique et la seule présence de sceptiques peut entraîner l'absence de phénomènes. Par ailleurs beaucoup d'autres officiels sont catégoriques. " Journaliste : "Monsieur Vanbockestal, comment expliquez-vous que des sceptiques par leur seule présence empêchent apparemment le déroulement des phénomènes paranormaux ? " (Oufti ! Quelle question ! Et surtout comment y répondre du tac au tac ? Car il est très difficile de résumer cela en quelques mots...
Bien que ce soit un fait avéré sur lequel des millions de personnes ne se posent même pas la question.) "Ce sont des personnes âgées desquelles je ne veux pas dire de mal, mais effectivement elles me semblent avoir tendance à voir le surnaturel un peu trop facilement. " Journaliste : "Bien ! Nous allons en rester là... "Bien ! Alors si c'est terminé, j'aimerais vous demander ce que signifiaient ces questions, pourquoi ces informations que j'ignorais et que vous ne m'avez pas communiquées malgré ma demande de transparence, pourquoi ces questions embarrassantes ? Car vous m'avez mis en difficultés, là ! Journaliste : "Oh oui, mais ça c'est pour la spontanéité.""Et le garde champêtre, il ne vous a pas parlé de sa rebouteuse qui ne pouvait pas intervenir pour son entorse parce que, justement, il était sceptique ? " Journaliste : "Ah ! Il a dit ça ? Je ne m'en souviens pas... Merci, nous allons en rester là. L'émission sera diffusée le... et retransmise le ... " "Il faudra que nous nous revoyions pour une autre prise de vue car j'aimerais corriger certains passages au cours desquels j'ai commis l'une ou l'autre erreur. J'espère que c'est possible ? "Journaliste : "Cela ne sera pas facile, mais je vais essayer de vous trouver une date. Nous n'avons plus beaucoup de temps à consacrer aux tournages... " "Pour moi, c'est capital. Alors j'espère que vous ferez diligence car certains points de votre tournage m'ont chiffonné et j'aimerais beaucoup corriger le tir ! " Journaliste : "On fera ce que l'on pourra... "Et l'équipe télévisée s'en alla. M. Vanbockestal remonta dans sa voiture avec l'affreux sentiment de s'être fait avoir. C'était pis que ça : il s'était fait piéger ! Mais ils prétendirent qu'ils n'avaient téléphoné à personne... M. Vanbockestal chassa une idée noire, peuplée de petits diablotins grimaçants et se dit qu'il devait sans doute s'agir d'une fausse manœuvre. Il reprit sa route. Mais que ce tournage lui avait paru bizarre ! Tout cela n'augurait rien de bon. Il n'avait pas tort ! Suite - Précédente - Sommaire - Accueil - Haut |