Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Yapaka - le coup de bluff


Tout cela était bien beau, mais l'enquête allait présenter mille difficultés (quelques coups de chance aussi) au point de se dresser comme un épouvantail et, c'est le cas de le dire, comme si toute cette affaire était dirigée par de sombres forces de l'inconnu.

Au début, on aurait toutefois pu dire : "yaka" se rendre sur place et aller rencontrer les propriétaires pour les interviewer. Bien sûr ! Le fameux yaka ! D'abord il aurait fallu connaître leur nom (je le trouvai facilement via JMT avec qui j'allais avoir des communications téléphoniques quasi-quotidiennes de 4 heures): Dubart. Le patriarche s'appelait Roger Dubart et son épouse Flore Demets (tous deux sont décédés depuis), le numéro de maison était le 2 : on pouvait le voir sur certains reportages télévisés; la localité était évidemment connue au même titre que le nom de la rue : "de Beauregard", ce qui permit le jeu de mots : "où sévissait le mauvais oeil". Mais il ne suffisait pas de leur téléphoner pour leur demander un rendez-vous-entretien : trop risqué que l'on raccroche au nez, ces gens en ayant eu leur compte des visites en tous genres.

Sonner à leur porte présentait le même danger avec, en plus, le risque que le refus soit définitif. Or il nous fallait absolument pouvoir entrer dans cette maison, la visiter et recueillir le témoignage des principaux protagonistes en espérant aussi qu'ils pourraient nous renseigner quant à la question de savoir où le trouver. Mais pour tout cela il nous fallait un "passe-droit" : quelqu'un de confiance qui "pousse à la charrette" OK. Mais où trouver ce passe-droit ? La réponse était simple et unique : il fallait prendre contact avec la dame de l'affaire des fleurs maudites, laquelle avait vécu dans la région à l'époque des événements et connu son retentissement inouï. Non seulement elle connaissait les propriétaires et rencontrait fréquemment le vieux monsieur qui promenait son chien, elle prétendait que les rencontrer ne présenterait aucun problème : commerçante, elle connaissait plein de personnes dont quelques unes qui auraient pu jouer le rôle que nous recherchions.
Puisque c'était donc prétendument aussi facile, je pris contact avec cette dame dont j'avais bien sûr conservé les coordonnées dans les dossiers du CERPI et la première chose que j'obtins fut un rendez-vous d'ici quelques jours et non pas dans son restaurant mais bien dans un café où elle travaillait. Je perdais donc encore quelques jours par rapport à la publication de mon livre et boucler l'enquête, surtout une enquête de cette importance devenait sinon impossible du moins très difficile.

Le jour venu, nous nous rendîmes sur place, mon assistante Nancy et moi et, dans le café, quasiment bondé : pas de trace de la dame en question. Bon ! Pas de panique, un simple contretemps peut-être, ce genre de choses pouvant arriver à tout le monde. Nous ne pouvions que patienter et notre patience fut récompensée puisque l'intéressée arriva environ une demie heure plus tard. Elle nous salua, prit notre commande, nous reparla brièvement de son affaire (pour nous classée) et s'éclipsa, pressée : c'est vrai qu'il y avait du pain sur la planche. Cependant, elle ne pouvait avoir oublié la raison de notre visite et, au bout d'un certain temps, alors que la clientèle se faisait quelque peu plus clairsemée, elle ne s'adressa pas à nous et je dus revenir moi-même à la charge pour la solliciter.
Elle me fit savoir que pour le moment elle avait encore pas mal de travail mais surtout que les personnes auxquelles elle pensait n'étaient pas accessibles. Il faudrait revenir un autre jour !
Nancy me fit remarquer que c'était mal barré : on pouvait toujours se rendre sur place et prendre des photos à la sauvette, ou même tenter notre chance en sonnant à la porte mais je trouvai cela trop risqué : si les propriétaires nous voyaient prendre des clichés de leur maison ils se poseraient des questions et trouveraient cela leur semblerait suspect, un mauvais point pour nous car nous devions impérativement établir un climat de confiance avec les propriétaires pour qu'ils puissent se confier. Quant à sonner à leur porte, comme je l'avais déjà dit, c'était jouer une sorte de va-tout qui ne me plaisait pas du tout car cela pouvait entraîner la fin de l'enquête avant même qu'elle commence.

Je revins auprès de la dame et renouvelai ma demande pour m'entendre dire qu'à l'impossible nul n'était tenu. Et c'est là que je me lançai dans un coup de bluff qui fit passer Nancy par toutes les couleurs.

Nous terminâmes nos consommations et je rappelai la dame des fleurs maudites à notre table pour lui tenir ces propos :

"Voilà, nous allons reprendre deux cafés et prendre congé de vous directement après car on nous attend pour une autre affaire, bien plus importante que cette petite affaire de village. Je pensais en faire état dans le livre que je suis occupé d'écrire, mais les lecteurs se passeront bien de ce fait divers sans grande importance. Si par hasard pendant ce temps-là le nom d'une personne répondant à notre demande vous revenait en tête, il serait donc préférable que cela puisse se faire dans les plus brefs délais parce que pas mal de kilomètres nous attendent !"
(Je sentis Nancy me donner un coup de pied en dessous la table. Je ne sais pas si elle comprenait mon plan qui ne manquait pas de toupet ou si elle craignait qu'il échoue !)

"Oh ! Ne vous méprenez pas sur cette affaire ! On a beau être au village, elle a fait grand bruit dans tous les médias, à l'époque tout le monde était bouleversé et craignait que la hantise se propage pour contaminer tout le patelin !"

"Eh bien, vous voyez : à présent, tout le monde semble l'avoir oubliée. Mon histoire n'intéressera personne ! Je ferais mieux de ne pas la mentionner !"

"Mais enfin ! Plein de gendarmes et de policiers ont été les témoins directs des phénomènes !"

"Oui, bon, mais vous savez... les petits gendarmes et flics de hameaux perdus au milieu des champs..."

"Nom d'un chien ! Une affaire sans grande importance Des flics minables ? Un petit village de rien du tout ? Attendez un peu !"

"Ben, c'est que comme je vous l'ai dit nous n'avons plus guère de temps. On nous attend en France..."

"Écoutez... donnez-moi une demi-heure tout au plus et..."

"Je crains fort que nous soyons alors déjà partis !"

Nancy et moi la vîmes se réfugier derrière le comptoir, consulter un carnet et se mettre à donner des coups de téléphone. Elle s'activait enfin ! Je m'adressai à Nancy qui en avait le souffle coupé et lui expliquai : "Vous voyez, parfois il faut savoir piquer habilement les gens ! Un peu comme ce démarcheur qui parmi tous les produits qu'il a à vendre à domicile, évite volontairement un article sans toutefois oublier de dire clairement que "Ça, ce n'était pas pour eux parce qu'ils n'avaient pas les moyens de se le payer !" Bien souvent, offusqués, se croyant pris pour des minables, ils mordaient à l'hameçon !"
"N'empêche que sur ce coup-ci, vous avez fait fort !"
"Oui et non car au point où nous en étions, on ne pouvait plus qu'essayer ce bluff de la dernière chance ! Mais ce n'est pas encore gagné pour autant car jusqu'à preuve du contraire nous n'avons toujours rien. Alors on va pousser le bouchon encore plus loin. Levez-vous et faites mine de vous recouvrir, j'en ferai de même de mon côté..."

A peine avions-nous mis le stratagème en oeuvre que la dame nous aperçut et nous tendit la main en écartant les doigts : elle voulait dire : "cinq minutes".

Il ne lui en fallut que trois pour revenir à nous en disant : "Voilà ! J'ai trouvé quelqu'un ! C'est un garde-champêtre à présent retraité qui a été sur les lieux au moment de l'affaire. Il connaît bien les propriétaires qui lui font confiance car il leur rend pas mal de services, par exemple pour leurs assurances. Nous allons y aller tout de suite, vous n'aurez qu'à me suivre, ce n'est pas très loin !

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