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Magnifique propriété de plus de deux hectares, dont une partie des
constructions remonte au Moyen-Âge, le «Domaine de la Source» fût tout à tour, une grosse ferme, un établissement religieux et enfin un relais de diligences pour
les services postaux. Mais à partir de 1999, le bâtiment change. Les passants s'arrêtent, surpris. Peu à peu, la nouvelle se répand et les gens viennent par
dizaines admirer «la Demeure du Chaos». Certains tiennent des propos peu élogieux, d'autres la qualifient d'œuvre d'art, des familles y amènent leur enfants.
Une chose est certaine, l'étrange maison ne laisse pas indifférent. Il faut dire qu'elle a de quoi choquer avec son mur d'enceinte couvert de portraits géants de
terroristes, de criminels et de scientifiques. Des portraits ? Oui, mais pas seulement. Estampes, affiches, sculptures, Christ en croix et têtes de morts côtoient
des blasons, des sceaux et des signes de guerre. Cette profusion de symboles ésotériques donne une dimension mystique à l'ensemble de la résidence. Les portails de
fer rouillés et la peinture rouge dégoulinant des arbres contribuent à faire de cette «Demeure» un décor de film d'épouvante.
Pourquoi la salamandre ? Certes, la peau de ce reptile amphibien sécrète une substance corrosive qui n'est pas sans
rappeler le côté «agressif» de la maison. À la Renaissance, la salamandre était également l'emblème des imprimeries du Roi. Son image scellait les textes de l'État.
Enfin, cet animal très ancien et particulièrement résistant (notamment au feu) est un symbole alchimique puissant, représentant l'immortalité. Dès lors, faut-il voir
un message d'espoir dans cette profusion de salamandres ? La vie plus forte, la violence, le carnage et le feu ? La réponse est peut-être plus personnelle. En
effet, la salamandre sert également de logo au célèbre «groupe Serveur», fondé par le propriétaire des lieux.
Fils unique d'une famille de la haute bourgeoisie lyonnaise, Thierry Ehrmann, fréquente de nombreux établissements
privés. Son percepteur, un prêtre dominicain, l'aide à parfaire son éducation. Jeune adulte, il intègre la faculté de théologie, mais renonce rapidement aux études
afin de se consacrer à sa passion : Les nouvelles technologies. Visionnaire, il croit au fort potentiel d'Internet et crée
en 1987 le « groupe Serveur ». Quelques années plus tard, il devient l'heureux propriétaire de «Artprice», leader des banques de données et d'informations sur le
marché de l'art. Ce génie des affaires compte aujourd'hui parmi les quatre cents plus grosses fortunes de France.
En 2001, la vision du monde de Thierry Ehrmann est bouleversée par les attentats du 11 septembre. Les travaux
autour de sa «Demeure» s'en ressentent. Sa propriété de Saint-Romain-au-Mont-d'Or devient un chantier permanent. Cet hommage à la mort, à la torture et à la
destruction n'est pas du goût de tout le monde. Dans un village classé, ou le moindre travaux nécessite une autorisation de l'architecte des Bâtiments de France,
l'originalité du milliardaire déclanche la colère des voisins. Lors d'un treizième et dernier jugement, le Tribunal a reconnu la «Demeure du Chaos» comme une œuvre unique
qui aurait dû faire l'objet d'une déclaration de travaux préalable. Bien que condamné à remettre sa propriété dans son état initial, Thierry Ehrmann ne compte pas
en rester là. Il a décidé de faire appel. En attendant, il poursuit ses étonnantes transformations.
(NDLR : 25 ans plus tard,nous constatons que la maison est toujours bien présente et qu'elle est devenue un musée). Pour en savoir plus : Nous devons cet article à Mme Sylviane Putinier, cheffe-correspondante du CERPI que nous remercions vivement.
Saint-Romain-au-Mont-d'Or, charmant village de pierres dorées, paisible et cossu, idéalement situé à quelques kilomètres de Lyon.
Un paysage de carte postale ? Pas exactement. Depuis plus d'un quart de
siècle déjà, une étrange bâtisse déplace les curieux et fait parler d'elle dans la région. Ici, tous la connaissent sous le nom de «la Demeure du Chaos».
Mais le cauchemar ne s'arrête pas là. Bâtisse et terrain sont éventrés, victimes d'une pluie de météorites (en réalité de grosses pierres, jetées délibérément sur
la propriété à l'aide d'une grue). Dans la cour, des carcasses de voitures et d'avion offrent aux passants un paysage désolé. Enfin, murs et toitures portent les
marques visibles d'un incendie (cette carbonisation est à la fois l'œuvre du feu et le fruit d'un long procédé artistique). L'ensemble est recouvert de
dizaines de salamandres, de toutes formes et de toutes tailles. 
La municipalité considère
l'«oeuvre» comme une mauvaise publicité qui ternit l'image du village. Elle dépose plainte contre l'homme d'affaires. Ehrmann se défend. Il a déclaré son projet
auprès du ministère de la culture et peut donc intervenir dessus librement. En effet, l'Art échappe théoriquement aux règles de l'urbanisme...
www.demeureduchaos.org
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