Le Palais de
Justice de Bruxelles, haut lieux du mystère belge (dossier).
C'est
sous les ordres d'un architecte "qui n'avait jusque là été à l'origine
que d'une colonne et d'une demi église" que l'un des plus grands
bâtiments au monde, plus vaste que la Basilique Saint-Pierre à Rome, le
Palais de Justice de Bruxelles, fut construit. Il s'agissait dit-on de
l'un des projets que Joseph Poelaert nourrissait en secret depuis plus de
dix ans. Léopold
II, qui régnait sur le royaume
de Belgique, était animé d'une réelle folie des grandeurs, de sentiments
extrêmement expansionnistes et ne pouvait donc que conférer à la
capitale de son pays, une réalisation vraiment colossale, défiant toute
imagination. Le souverain de l'époque mérite à lui seul une rubrique
concernant les mystères dont il est à l'origine.
C'est donc sur ce qui devint la plus grande place de Bruxelles, la place
Joseph Poelaert, du nom de l'architecte auquel on doit le palais, qu'il
fut érigé au prix de gigantesques travaux préalables en vue d'assurer la
mise à niveau du terrain.
Pour arriver au résultat escompté, aucun
sacrifice ne fut épargné à la population, les deniers publics y allèrent
d'une contribution exorbitante, dépassant de douze fois ce qui avait été
prévu, aboutissant pour cette seule construction à la totalité d'une
année de travaux publics pour tout le pays ! Un quartier entier de la
ville, très populeux et typique, celui des Marolles, réputés pour être
les véritables bruxellois, fut prié de déguerpir et d'aller se faire
pendre ailleurs sans autre forme de procès. C'est dans ce qui restait de
ce quartier que je vis le jour en 1958,
faut-il déjà y voir un signe ?* Probablement pas, car il se trouve là un
hôpital renommé, l'hôpital Saint-Pierre, rue haute, à deux pas de la
porte de Hal, où des gens des quatre coins du pays viennent se faire
soigner ou pour accoucher... Je pense plutôt à une possible imprégnation
énergétique car la souche parentale, elle, n'était pas d'origine bruxelloise. Mais d'autres interprétations sont possibles.
* En parlant ici de "signe", j'évoque
l'influence éventuelle d'un milieu singulier et déjà peuplé de
mystères sur la possibilité du développement de capacités que je
qualifierais - peut-être pompeusement - de médiumniques. (Il faut
cependant alors imaginer la conjonction d'autres facteurs faute de
quoi tous les habitants du quartier ou toutes les personnes en
relation avec l'hôpital devraient bénéficier des mêmes facultés ou
en seraient susceptibles) Lors
d'une conférence réalisée à Bruxelles, j'ai retracé un ensemble
particulièrement frappant de coïncidences, parfois époustouflantes
(mais qui ne sont peut-être aussi que de simples coïncidences qui
ont jalonné ma vie). Ainsi l'hôpital Saint-Pierre est bien
l'hôpital par excellence du quartier des Marolles et il est réputé,
mais Saint-Pierre est également le personnage qui détient la clef
(du paradis). Si l'on poursuit dans l'étude de la symbolique,
on remarquera que la clé est également le symbole de ce qui permet
de résoudre les énigmes, elle figure aussi sur le blason de la ville
de Lessines où j'ai longuement habité et d'où mes parents sont
originaires. Le blason est lui-même composé de lignes rouges
et vertes qui, comme je le signale ailleurs, constituent aussi les
couleurs de la girouette du tram 58 qui, pour moi revêt une
importance particulière - pour des raisons que j'évoque également
dans d'autres pages - et les couleurs de l'équipement de l'Union lessinoise, club de football où j'ai évolué.
Lessines est elle-même une ville hennuyère qui comporte son lot de
singularités que j'aurai à coeur d'exposer dans nos pages car elles
valent le détour : elle est notamment la ville du surréalisme de
René Magritte - le célèbre peintre - dont l'un des tableaux
(l'Empire des Lumières) inspira William Friedkin pour son affiche du
film culte "L'Exorciste", elle est aussi limitrophe de la frontière
linguistique communautaire qui joue un rôle dans l'étude de la Vague
Belge d'OVNIs et d'autres localités riches en mystères... Enfin, afin de ne
pas saturer le lecteur, contentons-nous de rappeler que 58 est
l'année de ma naissance...)
C'est peu dire que les bruxellois, qu'il
s'agisse de marolliens ou non, vouèrent à Poelaert une rancune tenace.
Ils l'affublèrent du surnom de "schieven architek" (architecte de
travers) et cela devint vite la pire insulte proférée par les gens du
pays. Nul doute que s'ils en avaient eu les moyens, ces braves auraient
largement contrarié les travaux, voire trucidé son meneur. Mais en
l'occurrence, même la fronde de David ne pouvait rien contre un tel
Goliath !
Pour couronner le tout, Poelaert était un
être fantasque ne supportant pas les reproches. Il se retranchait
volontiers derrière sa liberté d'artiste, disparaissait dans la nature
sans crier gare et détruisait ce qui avait été fait pendant son absence
pour tout reprendre sur de nouvelles bases. Sa construction fit l'objet
de multiples intrigues politiques, complots et péripéties techniques et
artistiques. On notera qu'un autre architecte célèbre, Victor
Horta, lui aussi sujet à mystères, fut profondément influencé
par l'oeuvre de son confrère. Anspach en
était contemporain mais ne vit pas la fin des travaux. Pas plus que
l'architecte principal d'ailleurs...
Or donc, de nombreuses personnes énigmatiques,
ou exubérantes, furent impliquées dans la réalisation de l'édifice. Mais
ce n'est pas tout !
La démesure du chantier, et la liberté
laissée à l'architecte d'outrepasser presque toutes les règles
initialement imposées, reste un grand mystère. La suite du dossier
"Palais de Justice" plonge progressivement dans l'étrange et le mystère
le plus profond.
Durant le seconde guerre mondiale, des activités très suspectes se
déroulent au palais alors occupé par les nazis, lesquelles ne laissent
pas de surprendre tant les Alliés que les Allemands eux-mêmes. A cette
époque, les nazis ne cachent que très modérément leurs recherches
théologiques en vue d'obtenir les moyens surnaturels devant leur assurer
la suprématie totale (NDLR : ce point est
désormais avéré de manière très concrète et ne peut plus, en aucun cas,
relever comme certains l'ont prétendu, de l'imagination d'un écrivain en
recherche de sensationnel). Comme vous pourrez le constater par vous-mêmes en
consultant les photos proposées ci-dessous (mais peut-être n'est-ce
qu'un hasard de plus ?) les photos de BelgiumView sont numérotées 666...
Un incendie également suspect s'y déclare ensuite. Des rumeurs
commencent à circuler qui mettent en cause de nombreux sujets
intéressant les bruxellois à plus d'un titre, intéressants mais aussi
inquiétants : les innombrables et très vastes travaux de restructuration
qui procèdent à un massacre en règle de la capitale seraient dictés par
des sociétés secrètes, désireuses de rejoindre un monde parallèle, en
fait le double de Bruxelles nommé Brüsel (*), dont l'une des portes se
trouverait tout simplement dans le palais lui-même. D'autres spéculent
sur une guerre entre ces sociétés occultes et dont la ville et ses
habitants feraient les frais.
(*) Brüsel est sans doute une pure
fantasmagorie que l'on doit en grande partie à François Schuiten,
son dossier B et ses BD entre autres. Des passages secrets
vers cet endroit ou les cités obscures sont donc sans doute de
douces utopies. Mon esprit rationnel et scientifique se
révolte face à l'hypothèse de son existence. Pourtant, l'étude
de l'évolution de la capitale, de ses événements, de ses
particularités et autres bizarreries donnent lieu à tant de
coïncidences, dont certaines ont émaillé mon propre quotidien, que
l'idée même d'un ensemble de seules coïncidences a du mal à tenir la
route.
Si
de telles élucubrations ne semblent pas pouvoir résister à l'analyse
sérieuse, en revanche diverses équipées, certaines indiscrétions, des
documents étranges leur redonnent vigueur. Un long travail de recherche
et d'investigation est entamé par des personnes et avec des moyens ou
des procédés très variés. Mais d'autres travaux occultes semblent avoir
pour but de détruire systématiquement les preuves glanées de ci de là.
C'est un phénomène que les chercheurs de l'inexpliqué rencontrent de
manière récurrente.
Le Palais de Justice de Bruxelles, c'est
vraiment quelque chose !
De style éclectique, ses colonnades
titanesques, ses pilastres, ses entablements abritent essentiellement du
vide, ce qui lui donne un aspect un feu fantomatique. Quelques prétoires
y sont également logés de façon bien peu commode. S'il n'est pas encore
clairement établi que la porte vers un monde parallèle s'y trouve bien,
le contraire n'est pas vrai en ce qui concerne les passages secrets
chers à Léopold
II !
Le dossier B, mais également le reportage
d'enquêteurs du CERPI le démontrent. Et, en réaction, d'obscurs travaux
viennent rendre ces passages inaccessibles au public, comme par hasard.
Le gigantisme du lieu et les symboles
étranges qui se nichent un peu partout ont inspiré des artistes tels
que François Schuiten .
Beaucoup de théories sur l’interprétation des symboles qui truffent ce
bâtiment coexistent. Il serait d’ailleurs toujours aujourd'hui le lieu
de réunions de sociétés secrètes, directement liées à l’histoire du
Palais. Tout ceci entretient le mystère et les légendes autour de cette
construction singulière.
Lorsque l'on visualise des photos du Palais
de Justice de Bruxelles, on est immédiatement impressionné par l'aspect
colossal de l'édifice. Dire que cet énorme bâtiment était destiné à
donner une image écrasante de la justice est, selon nous, encore bien en
dessous de la vérité. En fait, il semblerait beaucoup plus correct de
dire qu'il voulait rendre l'image d'une Belgique surpuissante, avec à sa
tête une capitale imposante et tentaculaire, emmenée par le souverain
d'alors, à savoir Léopold
II , expansionniste à souhait.
Pour comprendre pleinement ce sujet, il convient de consulter notre
dossier spécifique et de consulter les photos (réellement gigantesques) disponibles
ici (cliquer
sur les images pour les agrandir, si toutefois votre écran est de taille
suffisante et que vous n'avez pas peur de scroller à gauche à droite,
vers le haut et le bas...)
Bien sûr, on peut douter que la palais de
justice de Bruxelles soit aussi mystérieux que je veux bien le dire et
que certains le prétendent. Ses dimensions colossales sont insuffisantes
à justifier la présence de soi-disant sociétés secrètes ou une kabbale
monstrueuse entre politiciens du pays ou dirigée contre sa population ou
encore entre différents clans occultes. L'hypothèse d'un passage secret
menant vers une autre dimension semble relever de l'imagination la plus
débridée. Quant au rapport étroit que je n'hésite pas à établir entre
les lignes de trams, surtout les plus anciennes, et toutes ces choses
paraît encore plus absurde.
J'ai pourtant vécu certaines expériences qui...
Nous avons pourtant trouvé un texte
particulièrement remarquable de Daniel-Charles Luytens qui semble
attester de ce que lesdites hypothèses ne sont pas aussi stupides
qu'elles ne paraissent, loin de là ! L'auteur s'est, à notre avis,
inspiré d'une enquête réalisée jadis par l'équipe qui s'occupa du
dossier B. Un dossier retentissant dont je pus jadis prendre
connaissance lors d'une émission télévisée consacrée à Brüsel, cette
cité parallèle, appartenant à un "autre monde". Nous le livrons ici à
seul titre d'illustration et sans but commercial, en rappelant à toutes fins utiles que toute
reproduction est bien sûr strictement interdite. Nous remercions
l'auteur de son aimable autorisation. Nous commentons aussi,
au besoin, les avancées de l'auteur à la lumière d'autres connaissances
qui seront elles-mêmes illustrées dans d'autres pages... Vous allez voir
que c'est assez "canon" !
Certains bâtiments gardent encore une
étrangeté monstrueuse digne des époques lointaines ou des fictions
inventées par des spécialistes du genre. A moins que cela ne soit le
contraire. Ainsi en va-t-il du palais de justice de Bruxelles commencé
en 1866 et inauguré sous le règne de Léopold II en 1883. (NDLR:
Selon certaines sources, c'est en cette même année que fut détruite l'église
des Augustins qui se trouvait place
de Brouckère. Selon d'autres, ce serait en 1887).
Il fallut 17 ans pour réaliser le rêve fabuleux de Joseph
Poelaert dont
l'imagination rejoignait sans nul doute celle qui guida les grands
bâtisseurs de l'antiquité. 360.000 m3, 650 locaux, 25.0000m2
de vitres, 65.000m2 de plancher, de parquets et de pavement,
c'est une ville dans la ville, un monde prisonnier de ses perspectives
affolantes.
"Que
la dépense soit la plus grande possible, pour que le palais soit digne
de sa destination et de la ville où il s'élève" dira Jules Anspach.
Ce bon vieux bourgmestre qui aura sa fontaine obélisque à
la place de Brouckère...
Ses vœux furent exaucés. N'ignorons pas, avant d'entrer,
qu'immanquablement nous allons errer sans carte et sans boussole dans ce
dédale. Dédale, chose obscure et embrouillée, dit le dictionnaire, le
dédale des lois. Étrange parallélisme. La complexité de ce palais répond
à celle des lois. Les couloirs se ramifient, les salles se superposent,
se poussent les unes contre les autres. Je sais maintenant quelle
destinée inquiétante m'attend entre les hautes colonnes du palais.
Je devrai d'abord gravir les trois volées
de sept marches, longue initiation que requiert la connaissance des lois
avant d'atteindre l'entrée. Cette montée à l'échafaud se déroule sous
les yeux du maître d'oeuvre. je pénètre dans l'antre du Minotaure. Je
passe sous le portique central, remarquable par la grandeur et la
hardiesse de sa conception.
Mais si le portique a trente-neuf mètres de hauteur, la porte d'entrée a
peut-être trois mètres. Il est dit que l'immense et son contraire se
moquent de nos habituelles perceptions.
Joseph Poelaert,
qui pratiquait à la fois l'art opératif et le spéculatif, a signifié
partout sans son oeuvre gigantesque l'opposition fondamentale entre
l'erreur et la vérité, traduite par une multitude de carrés et de
cercles.
Voilà donc la terrible cité, la nouvelle
Babylone. J'avance de quelques mètres et contemple la salle des pas
perdus. On se croirait à l'intérieur d'une basilique.
Et tout favorise cette interprétation; les robes des avocats et
magistrats participent à un rituel compliqué et mystérieux, les couches
de silence où se perdent les voix, la lumière irréelle et jaunâtre. Un
aquarium avec le bleu du plafond sous le dôme, a cent mètres du sol, un
bleu d'une pureté inaccessible. (NDLR :
j'apprécie tout particulièrement le talent d'écrivain de Daniel-Charles
Luytens, dont j'ai eu la chance de pouvoir faire connaissance lors d'un
entretien à ma maison d'éditions. J'ai également, à sa demande,
pu réaliser une conférence du côté de Woluwé et je lui en suis gré.
Mais laissons-le poursuivre...)
Un
lieu aussi de désorientation. Un homme s'immobilisa à l'entrée. Il
retire ses lunettes, il scrute l'intérieur. Où aller ? Par où commencer
? Un autre explique à un troisième comment trouver un certain tribunal.
C'est assez difficile, car il emploie toutes sortes de termes techniques
qui ne sont pas à notre portée. Comme on le constate, chacun cherche sa
voie dans les ténèbres.
C'est le peintre et dessinateur Robert
Louis Marie de la Barque qui, par un mystérieux appel venu peut-être
d'une autre dimension, m'invita à découvrir cette cité obscure.
L'artiste vécut toute sa vie à Schaerbeek et y mourut en 1958. (NDLR
: Voilà qui est dommage, il ne put pas prendre part à l'Exposition
universelle ni assister à ma naissance !) Sa maison et son atelier
ont malheureusement été rasés. (comme tant d'autres et peut-être
avait-il une façade de style art déco propre à Victor Horta...Voilà pour
l'humour et les hypothèses gratuites !) Que
reste-t-il de son oeuvre ? Quelques illustrations populaires et
peut-être une toile qui se trouverait au musée d'Ixelles.
De la Barque éprouvait une passion sans
limite pour le palais de justice. Des chercheurs ont eu la chance et le
grand bonheur de découvrir dans le grenier de sa nièce des plans du
palais, des photos ainsi que des croquis qu'il a réalisés sur les
chantiers de la jonction Nord - Midi, son autre passion.
(NDLR : et une autre raison de saccager notre
capitale en provoquant mille tragédies sociales !)
La parente du peintre posséderait aussi un
vieux film. La pellicule nous restitue l'artiste se trouvant devant sa
planche de travail où il réalise un plan en coupe du Palais des Trois
Pouvoirs. Il faut savoir que les plans d'origine du palais n'existent
pas et le peu qui existait a été brûlé en 1944 lors du terrible incendie
qui allait ravager une partie du mastodonte.
Le film nous montre l'artiste entouré de
ses enfants auxquels il promet de confier un terrible secret. Il aurait
découvert un passage qui, des entrailles du temple de Thémis, pourrait
le faire passer dans le monde des cités obscures.
Sans pénétrer dans la salle des pas perdus,
je tourne à droite, franchis une porte vitrée et me dirige tout droit
vers les degrés d'un vaste escalier qui dévale vers les profondeurs. Je
suis à l'entrée des régions basses. Un danger guette l'usager de cette
galerie. J'évolue ici dans un endroit sans étiquette et devrais donc
m'attendre à des pérégrinations hallucinantes. Je longe une galerie et
rencontre une première indication :
Cabinet de Monsieur le Conservateur/en cas
d'absence s'adresser au bureau d'entretien.
L'escalier qui me mène vers les bas-fonds
du palais m'invite à parcourir de sombres galeries. Une porte vitrée qui
m'interdit le passage donne accès aux vestiaires des "druides". On y
trouve des robes de toutes les pointures... Elles sont noires. Une autre
porte : entrée interdite. Il est formellement déconseillé de suivre les
indications "sortie de secours", ce sont des pièges placés pour vous
expulser plus rapidement du palais.
Partageant toujours cette obscurité
profonde, je rencontre un... lieu de recueillement. Qui peut peut bien
venir se recueillir dans cet endroit sinistre ?
L'entrée n'est pas interdite. Je pousse la
plus grande porte et entre. C'est une petite chambre, probablement la
plus petite du palais. Au milieu de la pièce, une table ronde est
entourée de quatre chaises. Les murs sont nus, pas une seule décoration,
sauf la représentation symbolique stylisée de l'alpha et de l'oméga
peints sur une plaque de métal, retenue par une chaise grossière à un
long rideau couleur olive. Me trouverais-je dans l'antichambre où se
réunissaient les élus de la secte dont le but premier était la grandeur
de Bruxelles ? (NDLR: en
tous cas, alpha et oméga sont deux lettres grecques largement passées à
la postérité par des paroles célèbres de J-C : "Je suis l'alpha et
l'oméga, le début et la fin". Cette phrase, principalement dans le
contexte chrétien, est une allusion à de nombreux concepts dont celui de
la mort et de la résurrection. Par extension, c'est le symbole du
passage ! C'est aussi ce qui figure sur la tombe de Joseph
Poelaert,
qui se trouve au cimetière de Laeken :
"...Poelaert repose au cimetière de Laeken sous un monument de style
classique athénien pur, époque et ville qu'il admirait par-dessus tout.
On peut y voir son buste par Antoine Bouré. Le monument est orné de deux
flambeaux renversés, symbole antique des funérailles. On y lit les
lettres Alpha et Oméga, et l'on remarque, taillée discrètement dans le
bas du monument, la croix pattée des Templiers ! (Wikipédia) Voilà qui
est assez remarquable, non? - voir
une photo)
On sait que Poelaert était franc-maçon et
qu'il bénéficia tout au long de la construction du palais, d'appuis
extrêmement hauts placés en dépit de son caractère fantasque et de la
multiplication par cinq d'un budget déjà colossal. Je pense que la
franc-maçonnerie ne constituait finalement qu'une simple couverture.
Poelaert aurait surtout été l'un des membres fondateurs d'une société
secrète. De grands noms brillaient au tableau de cette société : Anspach, Horta,
Wiertz et Solvay qui en était peut-être le membre le plus actif,
mettant sa précieuse bibliothèque à la disposition des élus. (NDLR:
l'appartenance de Joseph
Poelaert à
la franc-maçonnerie est très contestable car son nom ne figure dans
aucune loge, il semblerait donc que cette affirmation ne repose que sur
une légende).
Derrière le rideau de la salle de
recueillement, trône magistralement une porte monumentale qui, à mon
grand étonnement, s'ouvre et donne accès à... un mur de briques.
Des directions opposées me requièrent.
J'examine l'environnement. Au mur, dans un cadre à la moulure discrète,
j'aperçois le fragment coloré d'une façade de maison. Je m'approche. Ce
n'est pas une façade mais l'intérieur d'un salon. Serait-ce le souvenir
d'un palais ancien, aujourd'hui écroulé dans la poussière, que l'on
aurait conservé pour mémoire ?
Je demeure perplexe. Sur l'autre mur, je
reconnais un dessin du palais de justice et des environs : projet
d'aménagement des abords du palais de justice à titre privé par le
lieutenant Georges Labrique en 1929. Un nom prédestiné. Un autre projet
d'aménagement a été réalisé par Angulus Ridet. Un autre encore par
Pierre Meewis en 1947. Je suis tombé dans l'antre des abominables
utopistes.
A gauche, c'est le gouffre où descend
l'escalier un peu plus tôt. Comme un monsieur s'approche de moi, je lui
pose une question : "Où conduit cet escalier ?"
"Nulle part, monsieur, on a condamné la porte du fond". Je me permets
d'insister. "Et comment nommez-vous cet endroit ?"
Mais l'interlocuteur garde son secret. "Il n'a
pas de nom, monsieur, on l'appelle la rotonde, et je n'en connais pas
d'autre".
"Et
lui, a-t-il un nom ?" me demandai-je. Deux messieurs perdus dans un
labyrinthe s'interrogent sur les présences anonymes qui les entourent.
Ils se séparent. Chacun risque d'éprouver la plus lancinante fatigue.
Des couloirs innombrables les guettent. Et des escaliers dont le guide
donne une description aussi impersonnelle qu'une condamnation sans
recours.
Pour pouvoir relier entre eux tous ces dédales
au cœur de la cité babylonienne, il a été conçu 94 escaliers en pierre
de taille, comportant ensemble 4320 marches, 41 escaliers en bois
comprenant 630 marches et 29 escaliers en fer avec 991 marches.
L'ensemble des marches à gravir donne le nombre 5941. Ajoutés les uns
aux autres, ces quatre chiffres donnent un résultat de 10, soit le
symbole des lois et commandements mosaïques. Curieux!
J'aborde la galerie du premier président. Je
me promène et m'arrête devant une fenêtre. Je détaille du regard
Bruxelles, l'autre ville, celle que je commençais à oublier depuis que
je voyageais par les rues, places et avenues de cette ville-ci.
Un monde en regard d'une autre, comme un
somnambule qui en croiserait un autre dans un quartier désert, la nuit.
Ils ne se ressemblent pas. Vu de Bruxelles, le palais a l'aspect d'un
monument inattendu au masses cyclopéennes. Vu du palais, la ville
s'offre comme une construction dérisoirement humaine.
Après un grand nombre de détours, j'atteins la
galerie des bustes. Par une fenêtre, j'aperçois le dôme du palais. Où se
situe cette galerie par rapport au dôme et par rapport à la ville
extérieure ? Je l'ignore. Les rares personnes qui déambulent dans ce
couloir m'observent dans ce couloir. Qu'attendent-ils là où il n'y a
rien à attendre ? Coupable déjà ? Tantôt on va m'accuser. Je ne saurais
que répondre.
J'expliquerais que je regarde le dôme... On ne
me croira pas. On me persuadera de mentir. Ainsi commence la
culpabilité, l'indescriptible sentiment qu'un poids vous oppresse. Ici,
Kafka n'est pas mort. On se sent la proie de jugements contradictoires
et, quoi qu'on fasse, on a toujours tort.
De chaque côté de la galerie, des bustes en
marbre languissent depuis des décennies dans ce couloir. Je parcours
deux siècles et demi de magistrature, un voyage qui se déroule sous le
regard sévère des magistrats en robe. Fuyant et poussant précipitamment
un porte, me voici dans la salle des audiences solennelles de la cour de
cassation, où a lieu chaque année l'audience de rentrée.
Je baigne dans un silence et examine les
portraits respectifs de Philippe le Bon et Léopold 1er. Sur le mobilier,
en imitation d'ébène, se dressent des lampadaires. Dans cette salle,
certains des personnages rencontrés dans les couloirs viennent
régulièrement se livrer à un rituel.
J'imagine leur présence hiératique en des
cérémonies où les gestes sont étudiés, mais cette assemblée de fantômes
que je suscite par imagination me laisse soudainement un goût de mort
dans la bouche. A nouveau je fuis, ayant décidé cette fois d'atteindre
les cimes du palais.
Destination niveau 6. Une plaque a été vissée
dans la cage de l'ascenseur : Fermez la porte palière et la grille cabine
en entrant et en sortant. Dans ce bâtiment, les constructeurs
d'ascenseurs pratiquent aussi un langage précis.
Au sixième étage, il me reste à gravir un
escalier, passer une porte basse et atteindre ainsi le premier niveau du
plafond de la salle des pas perdus. En dessous de moi, des êtres
minuscules se déplacent. Avec quelles pensées ? A la recherche de quelle
vérité ? Au dessus, d'autres plafonds entourent le dôme.
Un chemin de ronde longe les murs. On peut
donc, en altitude, faire le tour de la salle. Mais je préfère me jeter
dans un trou d'ombre. je pousse une porte et découvre une sorte de
grenier en béton où l'on distingue encore des traces de l'incendie de
1944. Autre mystère que j'aimerais bien un jour élucider.
Maintenant, je suis confronté aux emprises
d'un roman de science-fiction. J'emprunte un ascenseur qui me conduit au
septième ciel. Mais très vite, je dois déchanter. La science-fiction
fait place au burlesque. Au septième étage, (deuxième niveau du
plafond), je longe un couloir où furent aménagés des douches. J'ai pensé
qu'une douche ne pouvait se prendre qu'en hauteur. Cet avis était déjà
partagé par certains, voici quelques années, à savoir par les membres de
la police judiciaire qui comptaient alors faire de la gymnastique dans
une salle voisine, au même étage. L'absence de chauffage, je pense, les
découragea.
Je me retrouve, poussant une nouvelle porte,
palière cette fois, dans un escalier. A cause de la disposition des
pierres, on ne put construire un ascenseur qui irait plus haut. On se
permettra par conséquent de parler à ce propos d'une porte "escalière".
L'escalier en colimaçon m'invite à pénétrer
dans une sorte de donjon. Au quatrième niveau du plafond, à une centaine
de mètres du sol, je regarde les fourmis qui marchent tout en bas. J'ai
'impression qu'elles ne se situent pas dans la même construction. C'est
presque comme si j'observais d'une autre planète, un paysage de la
terre. Un nouvel ascenseur va me conduire dans la zone interdite. Un
escalier de bois, cette fois, est là pour me faire découvrir des
sensations proches de l'effroi. Sensations qui me reprennent à
l'extérieur, car, après avoir ouvert une porte vitrée, j'aperçois les
toits de Bruxelles qui s'étendent à mes pieds.
Toute la partie supérieure du palais de
justice ne vient-elle pas de s'envoler ? A cette hauteur, un ouvrier
installé ici, déballe ses tartines tandis qu'il observe le panorama. Je
ne suis plus tout seul en ce moment. la vue est impressionnante. D'ici
je ressens tout le poids de l'édifice et le dôme brille par son
immensité.
Hélios m'aveugle de ses rayons tandis qu'Éole
frappe de toutes ses forces entre les colonnades qui soutiennent la
coupole, provoquant ainsi un vacarme qui semble sortir des enfers. Il ne
manque que les trompettes du jugement dernier.
Malgré le vent qui m'empêche de m'aventurer
plus loin que sur la terrasse, je pense subitement au mystérieux
personnage qu'était Joseph
Poelaert.
Les indications biographiques du grand homme sont rarissimes et ses
plans ont presque tous disparu. L'architecte est d'ailleurs loin d'être
l'objet de la même vénération dans notre monde que dans celui des cités
obscures. (NDLR :
c'est inexact. Il existe au contraire de nombreux documents de Poelaert
qui ont subsisté jusqu'à nous notamment grâce à la famille et aux
héritiers de l'architecte, il semble ici que l'on ait voulu rallonger la
sauce du mystère autour du personnage).
Lorsque l'on confia à Joseph
Poelaert la
responsabilité de la construction du palais de justice, il n'avait
construit qu'une colonne et la moitié d'une église.(NDLR :
c'est à peu près correct, sauf que c'est réducteur lorsque l'on sait que
l'on parle de l'église Sainte-Catherine et de la colonne du Congrès ! En
outre, Poelaert bénéficiait de nombreuses et solides références comme en
atteste l'article de Wikipédia) De
quels appuis, de quels passe-droit le jeune franc-maçon avait-il pu
bénéficier ? dès qu'il fut choisi, il sortit de ses cartons un projet
auquel il travaillait depuis plus de dix ans.
Il
faut savoir qu'ayant exigé que sa volonté d'artiste ne soit soumise à
aucune autre volonté, hormis celle du ministère de la justice, Poelaert
refusait de montrer ses plans et menaçait de quitter le chantier à la
moindre remarque.
Son projet émerveilla l'assistance. Mais ses
plans étaient imprécis, il devait les retracer sans cesse. Son caractère
fantasque et cassant ne vont pas faciliter les choses... Il lui arrivait
de se lever la nuit pour modifier ses dessins. Plus d'une fois, il
menaça d'abandonner le chantier. Il disparut plusieurs fois puis revint,
faisant détruire les nouveaux projets réalisés en son absence.
Finalement, la maladie et la folie eurent
raison de lui. (NDLR :
toutefois, on a brodé autour de sa mort. Pour ses besoins d'imaginaire
peut-être, Schuiten lui a inventé un hôpital qui n'existe que sur
papier...) Il ne vit jamais son
ouvrage achevé. Il mourut quelques semaines après le bourgmestre
Anspach. Selon ses dessins, le palais aurait du être couronné, non pas
par un dôme mais par une pyramide.
Après le ciel et sa merveilleuse solitude,
l'enfer et ses rougeoiements de douleurs, visitons dans les caves la
centrale thermique qui chauffe le palais, tous les bâtiments publics de
la rue de la Régence, le conservatoire de musique, l'Albertine, et bien
d'autres choses encore. Cette centrale pourrait chauffer environ sept
cents maisons. Elle exigeait il y a une trentaine d'années encore,
quarante tonnes de charbon par jour. Sous les voûtes, des tuyauteries et
des machines apparaissent.
Un parcours complexe nous conduit au ballon.
Dans un escalier une petite porte s'ouvre. Derrière elle, le ballon
d'alimentation. Un cylindre de dix mètres de long et de deux mètres
cinquante de diamètre contient toute l'énergie de la centrale. D'ici
partent le conduites à distance et celles qui alimentent les 3000
radiateurs du palais.
La centrale thermique est entièrement
automatisée. Il arrive évidemment qu'un appareil tombe en panne. Les
seize Sherlock Holmes de la mécanique se mettent alors en chasse. Il
s'agit de savoir quelle machine est avariée, aucune chaleur ne se dégage
plus nulle part. Mais bien que l'on soit en lieu de justice, on ne
pourra, si l'on est juste, accuser personne de ce froid soudain.
L'automation seule est responsable.
Entre le ciel du dôme et la chaufferie
souterraine, je glisse dans les couloirs sans fin. Comme je m'apprête à
gravir un escalier proche du tribunal de commerce, je rencontre un
avocat, qui jaillit de derrière une masse carrée de maçonnerie. Depuis
combien de temps se cachait-il là ? Notre personnage s'approche, tourne
le coin et s'interroge devant la porte d'un ascenseur dissimulé.
A
mon tour, je pénètre dans un tribunal vide. Au fond, trois sièges
répondent à un symbolisme subtil. Le siège du président, au centre,
comporte à son sommet une légère surélévation en bois, ce qui lui permet
de dominer le siège du ministère publique. A droite, le siège du greffier
occupe une position plus basse. Soudain, je me souviens que dans un
sous-sol, trois fauteuils semblables, provisoirement abandonnés là,
attendaient dans un ordre inversé. Le greffier aurait pu siéger au
centre et le président à gauche. Comme quoi la majesté, quand on sort
des espaces où l'on juge, perd ses prérogatives.
Je marche, je marche au hasard sous la
surveillance aveugle des murs. Seules quelques pancartes m'interpellent :
réhabilitation - épuration. Cette formule cache-t-elle un endroit où
l'on reconquiert la grâce ? Chambre itinérante proclame une autre
inscription surmontée d'une flèche. C'est une des chambres du tribunal
de première instance.
Au sommet d'un escalier, je passe la tête par
une large porte. Coup de théâtre ! Dans une petite pièce, siège le
procureur du roi, le président et le greffier, devant un avocat qui
plaide. Le président jette des regards interrogateurs dans ma direction.
Ce regard voudrait-il dire "n'importez pas de trouble dans cette pièce
par votre entrée insolite" ! Confus, je referme la porte et m'en vais.
Dans le fond d'une nouvelle cage d'escaliers,
je pousse une nouvelle porte, habituellement cadenassée me semble-t-il.
Il me suffit d'allumer la lumière pour constater que je me trouve dans
une pièce dont les entrailles semblent bourrées d'archives secrètes.
Un fabuleux butin que nul n'a jamais tenté de
piller. Des centaines et des centaines de protège-document mangés par la
poussière ont été déversés sur le sol de cette chambre au trésor. Les
indications appliquées d'un bureaucrate avisé resté dans l'anonymat,
immortaliseront la couverture de ces dossiers.
Ici sont probablement entassés les témoins des
plus irritantes énigmes du monde judicaire des cinquante dernières
années. Une pile de dossiers attaqués par l'humidité se trouve par un
heureux hasard entre mes mains. (NDLR:
un heureux hasard que les zététiciens ne voudront certainement pas
cautionner, faut-il le dire. Trop beau pour être vrai !)
Palais de Justice
SECTION INTERDITE
DOSSIER X510
ENQUÊTE
INCENDIE DU 3 SEPTEMBRE 1944
Une encre verte couchée sur de pâles feuilles
quadrillées relate les origines et les raisons pour lesquelles un
incendie violent s'est déclaré dans le palais à la fin de la seconde
guerre mondiale, précisément ce 3 septembre 1944.
Lisons plutôt...
En
1913, la section allemande de la société théosophique subit deux
dissidences : l'une créée par le médium et philosophe Rudolph
Steiner deviendra
l'anthroposophie et l'autre, une doctrine prêchant l'arianisme
germanique qui donnera naissance au nazisme.
Rudolph Steiner,
homme d'une capacité extraordinaire, naquit en Autriche le 27 février
1861. Auteur de Le Mystère chrétien et les mystères antiques, ce
docteur en philosophie déclinera un nombre saisissant de conférences à
la société théosophique de Berlin.
En 1905, il devint secrétaire général de la
section allemande de la théosophie et moins de dix ans plus tard, Steiner fondera
une nouvelle théosophique: l'anthroposophie, à Dornach, près de Bâle. Il
y fera construire un temple pouvant accueillir plus de mille fidèles: le
Goetheanum, qui sera incendié mystérieusement par une main criminelle,
peu de temps avant la mort du philosophe. Rudolph Steiner sera
l'auteur d'une centaine d'ouvrages et son couronnement sera la création,
en 1919, de l'école Steinerienne.
Steiner et
son ami Schuré, ont tous deux favorisé le germanisme durant la première
guerre mondiale.
Le kronprinz Frédéric-Guillaume, fils aîné de
l'empereur Guillaume II, imposait ses instincts belliqueux et
pangermaniques au sein d'une société ultrasecrète, dont il fut peut-être
le géniteur : la
table verte. (NDLR :
si le sujet est effectivement respecté, en revanche sur un plan
historique la table verte n'est qu'un ballet d'opéra. Il est cependant
évident que l'on ne puisse trouver de documentation substantielle sur
une société réputée ultrasecrète !) Très
vite, il fit appel aux talents de médium de Rudolph Steiner.
Cette société regroupait presque uniquement les officiers supérieurs du
Reich. ces derniers avaient pour mission de suivre les directives du
voyant anthroposophe et de fixer les dates ainsi que le déroulement des
différentes offensives sur les fronts ennemis.
Tout laisse à supposer que les destinées de la
terrible attaque de Verdun furent décidées par un médium fanatique et un
fou sanglant plus bête que méchant, autour d'une table de couleur
émeraude.
Après la guerre, des articles dénonçant les
activités parallèles de Steiner,
en Allemagne entre 1914 et 1918 parurent dans un quotidien bruxellois
bien informé. Mais qui connaissait le fondateur de l'anthroposophie?
Personne ou presque. C'était compter sans les membres de la société
théosophique de Bruxelles dont le premier président, le peintre Jean
Delville,
ne portait pas spécialement le dissident fanatique dans son coeur. (NDLR:
Jean Delville est un peintre, poète et écrivain belge aux nettes
tendances ésotériques, rose-croix et adepte de la kabbale! C'est ici,
pour la première fois avec Steiner, que l'on trouve une trace - mais ô
combien sérieuse - d'influences mystérieuses directes dans l'histoire du
palais de justice de Bruxelles!)
En octobre 1908, le décor de la cour d'assises
du palais fut confié à Jean
Delville.
Les cinq panneaux aujourd'hui en place ne sont que les esquisses de ce
grand ouvrage détruit dans l'incendie.
La
composition de la fresque est dominée par une figure ailée, de
proportions surhumaines symbolisant l'élément divin et providentiel de
la justice. Le génie élève au dessus de ses yeux un triangle, symbole de
l'égalité divine, au centre duquel s'ouvre l'œil unique, l'œil de Dieu
qui veille et voit tout. A ses pieds, le coupable se tord. A droite, la
loi humaine, l'autorité morale et à gauche, la pitié implore et protège.
Les autres fresques de Jean
Delville se
trouvent dans la salle des pas perdus. Elles échappèrent miraculeusement
à l'incendie de 1944.
Élève de Portaels, Jean
Delville naquit
à Louvain en 1867. De 1900 à 1905, le peintre enseigna à l'école d'art
de Glascow. Avant de quitter Bruxelles, il donna l'ordre d'enlever les
échafaudages de peur que Rudolph Steiner,
son ennemi de toujours, et ses adeptes, ne viennent saccager ses
fresques.
A son retour, le bourgmestre Adolphe Max fit
nommer le peintre qu'il admirait à la tête de l'académie des arts. très
attentif à cet élève, il m'a été dit que Delville était un bourreau du
travail.
Avant la fin de la seconde guerre mondiale,
Jean Delville dénonça par des voies officielles les activités de
Rudolph Steiner durant
la période de 1914 à 1918 et son appartenance à la société secrète la
table verte.
Cette accusation allait connaître un
rebondissement sans pareil. Durant la matinée du 3 septembre 1944, des
collaborateurs anthroposophes, mal intentionnés, aspergèrent d'essence
tous les coins et recoins et tout le mobilier de la cour d'assises. Leur
mission sera de détruire toutes les fresques réalisées par le premier
président de la société théosophique de Bruxelles, Jean
Delville.
La coupole prit feu par la suite. (NDLR:
Il semble y avoir ici une confusion : il est historiquement précisé que
les allemands ont brûlé des archives dans l'atrium et que c'est cela qui
provoqua l'incendie en question. Peut-être parle-t-on des mêmes faits,
ou bien non. Il est de toute façon difficile de se prononcer à ce
sujet.)
Le feu se propageant très rapidement à
l'édifice, détruisit toute la partie arrière de même que la salle des
pas perdus qui, suite à l'effondrement de la coupole, formait une énorme
cheminée d'où s'échappaient d'énormes volutes de fumées noires. (NDLR :
voici toutefois une précision tout particulièrement remarquable et
d'ailleurs prévisible vu la configuration des lieux. En effet, nombre de
bâtiments en rapport, de près ou de loin à l'époque de Léopold II,
répondaient à une architecture très semblable. Il en va ainsi du palais
de justice de Bruxelles mais également de la
basilique de Koekelberg ou
encore du grand magasin "L'innovation" qui fut précisément
victime d'un terrible incendie. On pourrait citer quantité d'autres
exemples dans lesquels justement, c'est l'architecture qui est en cause
en cas d'incendie : toujours cette même grande cavité centrale qui joue
le rôle de cheminée et intensifie, accélère fortement la propagation des
flammes ! Des photos démontrent allègrement que c'est bien de cette
manière que les choses se produisirent. Dans le cas de l'Innovation, il
est remarquable aussi que le bâtiment soit issu des œuvres de Victor
Horta, lequel joue un rôle important dans notre étude. Il y a donc ici
d'étranges coïncidences !)
A en croire le récit que dévoile ce précieux
"dossier interdit", l'incendie du palais de justice aurait été provoqué
par une phalange de collaborateurs obéissant à des instructions
d'officiers peu scrupuleux qui avaient adhéré à la philosophie de
Rudolph Steiner.
Les dénonciations publiques de Jean
Delville méritaient
un châtiment exemplaire.
Après la lecture de ce dossier et ses
précieuses révélations, il me fallait reprendre le sens de la visite
initiatique à l'endroit précis où je l'avais abandonnée.
C'est ici que nous en venons à une conclusion
pour le moins étonnante et qui rejoint tout à fait notre étude.
A
la sortie d'un nouvel ascenseur, je rencontre deux escaliers séparés
l'un de l'autre par un espace de deux mètres. A l'avant, entre les
escaliers, une pancarte porte la mention entrée interdite et
masque partiellement un buste. Les escaliers conduisent à une place où
l'on peut lire sur une porte du fond : deuxième bureau -
exécution. Ce doit être là que cela se passe. Je m'enfuis par une
petite porte, la plus petite du palais sans doute, la porte de la
discrétion. Ce doit être le bon chemin. Tout ira bien maintenant.
Derrière la petite porte, j'emprunte un
escalier qui n'en finit pas de descendre et qui rencontre d'autres
escaliers qui ont été murés il y a bien longtemps. A-t-on cherché à
supprimer des passages ? Une porte métallique qui affiche passage
interdit, encore un, s'ouvre et me voilà à l'entrée d'un
impressionnant souterrain dont je ne vois pas la fin. Il faut une
certaine audace pour y descendre. Éclairé par des lampes blafardes que
l'on n'éteint jamais, je m'enfonce dans une cité antique. Je marche
durant une dizaine de minutes dans un étroit boyau qui dégage une odeur
fétide. Ce souterrain aménagé sous le palais de justice est destiné à
évacuer qui ?
Une seconde porte, sans inscription cette
fois, s'ouvre sur un nouveau boyau. Ici, l'éclairage électrique
risquerait, l'humidité aidant, de provoquer des court circuits mortels.
J'entends des véhicules circuler au dessus de ma tête. Suis-je en
dessous de la place
Poelaert ?
C'est probable car il me semble avoir parcouru plus de trois cents
mètres en sous-sol. Une troisième porte cette fois s'ouvre sur une
immense cathédrale souterraine soutenue par des colonnes de béton.
Vais-je
voir surgir une procession nocturne d'hommes vêtus d'une robe noire
d'étamine, la chausse bordée d'hermine, la toque et le rabat blanc. Le
sol est recouvert d'une importante nappe d'eau. Ces bruits... Est-ce le
clapotis sinistre des égouts ou des rats qui s'ébattent dans cette marre
stagnante ? Un million de rats hantent les intestins de la ville... Un
par tête de bruxellois... Gris bruns à poils raides et plus clairs sur
le ventre. Il fait noir, je me trouve dans une profondeur incroyable. Il
doit se passer ici de bien étranges phénomènes.
Je ne suis pas encore sorti du labyrinthe. Il
n'y a pas de doute, j'ai trouvé un passage secret. Je ne peux comprendre
à quoi correspond cette nouvelle salle des pas perdus, noyée par les
eaux. L'effet est saisissant. Je rencontre un nouvel escalier
métallique, qu'il me faudra escalader ; cette fois, je n'ai pas le choix.
L'emprunter ou rebrousser chemin ? Retourner... Autant n'être pas venu
jusqu'ici.
Une centaine de marches me conduisent vers une
nouvelle porte, je la pousse et elle s'ouvre sans difficulté. Imaginez
mon étonnement, je me trouve en plein cœur de la station de métro de la
place Louise. La porte peinte en rouge se referme derrière moi. Je veux
la retenir, inutile, car elle ne s'ouvre que dans un sens. Il me semble
avoir traversé une station de métro bruxellois dont les travaux avaient
été interrompus depuis longtemps. Que se cache-t-il derrière l'abandon
de cette gare souterraine ? (NDLR : on voit ici
à quel point la narration de l'auteur se rapproche de l'excursion
souterraine fortuite que j'ai réalisée jadis pour relier la place de
Brouckère à la porte de Hal. Il est évident que je n'ai pas pu
tout explorer dans ce sous-sol et il ne serait pas surprenant que l'on
puisse y trouver des jonctions, que tout communique...)
Je venais de suivre un parcours initiatique
qui, des profondeurs du palais de justice m'a fait passer dans un monde
souterrain inconnu. Ai-je été le jouet d'un rêve guidé par un fantôme ?
Ai-je découvert, malgré moi, un passage qui mènerait vers une autre
dimension ? Je pense bien retourner un jour revisiter les mille détours
de ces caves obscures, connues seulement de quelques initiés qui errent
dans les entrailles du palais des trois pouvoirs.
( NDLR : Voilà la boucle bouclée, l'auteur n'a
sans doute découvert aucune porte vers une autre dimension, en revanche
il a parcouru le même genre de trajet que notre président, jadis,
avec les mêmes intermédiaires et le même résultat final inattendu : l'arrivée dans
une station de métro bruxellois ! Pour
situer un peu l'affaire à l'usage des personnes peu au fait de la ville
de Bruxelles, il convient de rappeler qu'il était ressorti par la station
de la porte de Hal qui,
coïncidence de plus, était richement décorée des
œuvres de François Schuiten! Les trams sortaient des façades, comme ils le faisaient du sol
en souterrain! Voilà de bien étranges allusions qui se trouvent
confirmées par la réalité ! Il est donc pratiquement établi que la
plupart des édifices monumentaux bruxellois communiquent de manière
discrète avec un métro parallèle, inachevé, gigantesque. Mais dans quel
but ?
La société des transports en commun bruxellois, parfaitement au courant
de cela évidemment, évite soigneusement d'en parler et évoque un mélange
d'impossibilités techniques, de projets inachevés, etc. Toutefois, cette
explication évasive ne satisfait nullement. En effet, l'importance des
travaux en question est réellement colossale, justifie un budget
inimaginable (que le contribuable serait bien sûr en droit de
protester !)
Il est facile de faire ici le rapport entre cette situation et celle
imaginée par Léopold II qui, rappelons-le, avait élaboré un métro privé,
non seulement pour satisfaire ses frasques bien connues mais également
ses visées expansionnistes et, quand même, ses impératifs politiques.
Mais la Belgique a perdu le Congo et c'est à une période très proche de
la fin du colonialisme belge que la STIB a vu le jour ! Pourtant, Léopold
II n'était déjà plus de ce monde depuis belle lurette et le souverain de
l'époque, à savoir le regretté roi Baudouin était loin d'avoir les mêmes
visées que son illustre prédécesseur...
Vous avez dit influences secrètes ?
Il me reste à raconter cette histoire
absolument incroyable que me conta jadis un confrère des plus sérieux,
dont je ne peux me permettre de mettre la parole en doute, aussi
invraisemblables soient ses propos. Je la résumerai ainsi : un
couple évolue dans le palais de justice de Bruxelles, à la recherche de
son chemin. Pendant un court instant, les voilà séparés.
Sauf qu'ils ne se retrouveront que bien plus tard lorsque l'un d'eux
racontera l'étrange aventure qu'il a vécue : il se serait retrouvé
subitement à une trentaine de kilomètres de là, complètement éberlué
comme on l'imagine, ne comprenant rien à ce qui lui était arrivé.
D'accord : il s'agit d'un témoignage de seconde main et il y a même
encore une étape intermédiaire. D'accord : c'est tout simplement
inimaginable. Mais je rappelle que la personne à qui je dois ce
témoignage est hautement fiable et n'avait aucun intérêt à me raconter
des balivernes.
|