Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Contre argumentations (suite 2)


Le gendarme qui apparaît à visage flouté dans l'émission télévisée évoque un "flagrant délit de supercherie" qu'il aurait remarqué. A savoir que le beau-fils - épicentre des phénomènes - avait projeté un objet en faisant croire à un phénomène de psychokinèse et, pas de chance pour lui, le gendarme l'avait remarqué. Il s'agit évidemment d'un argument "massue" qui sert très bien les sceptiques.

OUI MAIS... NUANCES !

Une fois de plus, en voyant ce passage, le téléspectateur est assommé d'arguments qui bétonnent l'idée d'une supercherie en ce qui concerne toute l'affaire d'Arc-Wattripont.
Pourtant, cela mérite une bien meilleure analyse, beaucoup plus fine.
Le problème principal réside ici dans le fait que certaines nuances qu'il faut ici apporter ne sont pas si simples à faire comprendre et peuvent choquer les rationalistes purs et durs.
Donc, avant de nous lancer dans des considérations plus complexes, nous allons nous attaquer seulement à la base du problème et tenter de faire comprendre ce qui est le plus simple.

Lors de mon premier coup de fil au gendarme qui, rappelons-le, est un ancien camarade de classe, il m'avait signalé AVANT l'émission qu'il avait assisté à des phénomènes qu'il avait été bien forcé d'admettre (et que ceux-ci l'avaient profondément marqué au point qu'il se demandait s'il n'avait pas rêvé tout cela tant cela avait été extraordinaire).
C'est d'ailleurs aussi bien ce qu'il avance dans le premier volet de l'émission.
Il entre ensuite dans les détails parmi lesquels il évoque même le déplacement de meubles.

Je l'ai recontacté APRÈS l'émission, afin de lui demander ce qu'il en était de cette contradiction.
Dans sa réponse, il se fait le porte-parole d'un avis qui sera généralisé pour ce qui est des forces de l’ordre : il a été scandalisé par cette émission qui, pour lui (et pour ses collègues contactés par la suite) a été un scandale de désinformation. En fait, il s'était mal exprimé et avait voulu dire que le beau-fils avait tenté de "rallonger la sauce".
C'est-à-dire qu'il y avait bien eu une tentative de sa part d'exagérer les phénomènes mais que cela n'impliquait en aucune façon l'étrangeté de tout le reste, qui demeurait bel et bien inexpliqué ! Par ailleurs, il entrait dans les détails en expliquant que ses collègues et lui, ainsi que les policiers, avaient tout fait pour tenter de trouver une explication à ce qu'ils voyaient de leurs propres yeux et qui dépassait leur entendement. Ils avaient fouillé toute la maison de fonds en combles, de la cave au grenier, à plusieurs, pendant toute la nuit et sans résultat. Ils n'avaient pas pu trouver de mécanismes quelconques susceptibles d'expliquer ce qu'ils voyaient. Il n'y avait pas de fils, même invisibles, de systèmes dissimulés dans les murs, d'aimants, etc. Tout avait été passé au peigne fin, mais en vain.
Cela les énervait d'ailleurs de ne rien pouvoir découvrir et ils voulaient à tout prix trouver une explication rationnelle, car on comprend bien que policiers et gendarmes sont, par nature, plutôt sceptiques. Cela les énervait d'autant plus que leur hiérarchie ne voulait pas les croire et les accusait d'avoir abusé de la bouteille et d'avoir le front de raconter des "sornettes" à leurs supérieurs. Ils en avaient "gros sur la patate" car ce qu'ils avaient vu, ils l'avaient bien vu et cela n'avait rien d'amusant !

Je lui ai demandé pourquoi il ne m'avait pas parlé de ce détail dès notre premier entretien et il m'a répondu :

"Tout simplement parce que je n'en ai pas eu le temps. J'étais occupé avec d'autres personnes qui attendaient dans mon bureau et je ne pouvais pas m'éterniser au téléphone. J'étais en service, ne l'oublions pas ! Par ailleurs, comme on peut maintenant le comprendre, cela n'avait à mes yeux que peu d'importance puisque cela ne changeait pas grand chose à la nature du problème. Mais, dans l'émission, c'est présenté comme s'il s'agissait d'un élément majeur. C'est tout à fait faux !"

ORIENTATION DU JUGEMENT DU TÉLÉSPECTATEUR

Peut-on ici parler de désinformation du téléspectateur ? Non. Pas vraiment en tous cas car les choses sont ce qu'elles sont. On peut regretter que la précision qui figure plus haut n'y figure pas mais on ne peut rien reprocher au journaliste sur ce point si c'est resté un "non-dit". Par contre, on peut faire remarquer que l'information livrée par le gendarme se décompose en deux volets qu'il faut tous deux prendre en considération. Quelque part, cela oblige la personne qui se trouve confortablement installée dans son fauteuil à se livrer à une certaine gymnastique de l'esprit pour faire la part des choses. Expliquons-nous :
1)"J'ai constaté des phénomènes que j'ai été bien forcé d'admettre...
2) "j'ai constaté un flagrant délit de supercherie".

OK. Mais objectivement, pourquoi ne retenir QUE : "j'ai constaté un flagrant délit de supercherie" et oublier : "J'ai constaté des phénomènes que j'ai été bien forcé d'admettre" ? Or, il s'agit d'une phrase qui peut se comprendre dans les deux sens !
On ne peut pas prétendre que l'une des deux phrases n'a pas été diffusée. Ce ne serait pas vrai.
Mais la tendance risque fort d'être à la généralisation sous prétexte d'une supercherie. Surtout si l'on termine par ce volet de la question, lequel reste dans l'esprit du téléspectateur et impose la déduction de ce dernier en faveur de la supercherie, sauf s'il fait fonctionner son esprit logique, son libre arbitre. On ne peut pas présumer de la réaction du téléspectateur, ni le traiter d'imbécile, mais on peut dire que l'information est présentée de manière à favoriser l'impression d'une supercherie pour la totalité de l'affaire alors que, dans le meilleur des cas, cela ne concerne qu'un seul événement (qui a été remarqué et qui prouve que les gendarmes ne sont pas aussi naïfs qu'on voudrait le faire croire !) au détriment des dizaines d'autres, bien plus importants, qui sont restés sans explication !

Cela me semble un principe fallacieux de scepticisme que de généraliser toute une affaire sur base d'un seul élément frauduleux. Il ne s'agit pas de régression à l'infini dans ce cas minoritaire et si l'on veut démystifier une affaire complète il faut pouvoir en expliquer chacun des éléments. Autrement, il s'agit de généralisation abusive, de solution de facilité et de conclusion hâtive. Voilà un point important à retenir. Mais ce n'est pas tout et le reste est plus complexe.

Par contre, dans un esprit probabiliste, si on avait précédemment déterminé un nombre important de fraudes dans cette affaire, éventuellement majoritaire ou concernant des éléments majeurs, on se sentirait plus en droit de conclure de la sorte. Cela pourrait encore être abusif, mais ce serait bien plus admissible. Or, ici, nous sommes bien loin de ce cas !

L'autre point, beaucoup plus complexe, consiste en l'intégration de la supercherie dans le cadre de phénomènes réels. A ce sujet, nous renverrons le lecteur à un article spécialisé que nous publierons ultérieurement. Dans l'immédiat, contentons-nous de signaler que de nombreux cas de poltergeist ont été imputés à des personnes auxquelles on avait attribué la fraude (soit qu'on les avait prises sur le fait, soit que "tout prêchait pour leur culpabilité", soit qu'elles étaient passées aux aveux, etc.) alors même que là ne résidait PAS l'explication fondamentale des phénomènes. Tout comme dans certaines affaires policières, lorsque quelqu'un passe aux aveux cela ne signifie pas ipso facto qu'il soit réellement coupable, notamment parce qu'il peut endosser la responsabilité afin de couvrir un tiers ou, parfois, assez stupidement, parce que l'individu veut s'arroger la gloire, le mérite d'avoir perpétré un tel acte. Signalons cependant que cette comparaison n'est pas tout à fait appropriée en l'occurrence.

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