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Il y a, à Ellezelles, un autre
endroit remarquable à plus d'un titre qui mérite le détour du touriste, qu'il soit simple curieux en quête d'érudition
ou amateur de surnaturel. Il s'agit du Moulin du Cat Sauvage.
Certains rétorqueront peut-être qu'en dépit de sa beauté incontestable, il ne présente aucun intérêt particulier pour le CERPI. C'est en effet ce que l'on pourrait être tenté de dire au premier abord, seulement voilà il constitue au contraire un trait d'union très particulier avec le fameux sabbat des sorcières d'une part et un certain paradoxe en ce qui concerne son désormais célèbre loup garou.
C'est grâce aux extraits de textes provenant de
Jacques Vandewattyne que nous sommes en mesure
de retracer l'histoire de ce moulin et de tirer quelques conclusions étonnantes.

Le Moulin du Chat Sauvage (Cat sauvage en wallon) se dresse fièrement en haut de la cote du Crimont à Ellezelles, le long de la Nationale 57, à l'endroit ou celle-ci passe du Hainaut en Flandre. Il domine les collines verdoyantes et couronnées des grands bois du Renaisis et du Lessinois, ces quelques kilomètres de paix campagnarde et sylvestre qu'un mauvais génie moderne nous pousse souvent à aller chercher très loin. Ce moulin, dernier représentant d'une famille presque éteinte, deviendra l'un des fleurons de cette région qui se destine lentement au tourisme. Un tourisme non encore commercialisé, qui offre le calme et vous laisse la joie de la découverte. Les points de vue charmants ne manquent pas.
Pourtant l'avenir du Chat Sauvage était bien sombre. La concurrence des moulins à cylindres se faisant de plus en plus sentir, la
rentabilité des moulins à vent décrut rapidement et ils sont rares ceux qui continuèrent cette lutte épuisante et inégale.
Le
Chat Sauvage n'échappa pas à ce déroulement logique du progrès. Il avait un besoin urgent d'être réparé. Le propriétaire trouva la dépense
trop élevée et décida d'abattre le vieux moustier pour en faire du bois à fausses antiquités.
Alerté par le Syndicat d'Initiative, l'opinion
publique commença à s'émouvoir. Fort heureusement, on trouva un mécène : Mlle Flore Lizon qui désirait sauver le moulin qui fit si longtemps partie de son patrimoine familial.
Elle procéda en 1956 à un échange; elle donna une partie de terre pour recevoir le moulin. Elle avait l'intention d'en faire don au Syndicat
d'initiative d'Ellezelles, mais la mort l'empêcha de réaliser son projet. Ses nièces Lucienne et Flavie Lizon héritèrent du moulin.
M. Alexandre André, député permanent, Président de la fédération du tourisme du Hainaut, joua un rôle déterminant dans le sauvetage du moulin en l'achetant le 27 octobre 1958, au nom de la Fédération Provinciale du Tourisme. M. Binot, Inspecteur au Tourisme, permit d'obtenir des subsides nécessaires. L'argent nécessaire à sa restauration fût trouvé; On ne se contenta pas de dissimuler la grande misère de ce géant ailé, mais on lui fit subir une révision complète, une remise en état de marche. Maintenant il est confié à son ancien meunier, M. Oswald Dutilleul, qui en reprend l'exploitation.
" ... avec pouvoir de faire le moulin de Tombelle ... " (1750). Dans un autre acte de 1750 également on appelle cet endroit " le Camp Del
Rocq " . Mais c'est dans les archives de la chambre des finances C.764, qu'il est fait pour la première fois mention du terme "Chat Sauvage" (Octroi du 23 septembre 1769)
La carte du cabinet Ferraris (1771-1778) nous renseigne : Hameau du Chat Sauvage, voisin de celui du Crimont. Or sur la carte de Vandermaelen
(1846-1854), le Crimont s'étend et remplace le Hameau du Chat Sauvage. Ce serait donc entre 1750 et 1769 que ce vocable aurait été forgé. Ceci nous permet de réfuter
une première interprétation que nous avait donné le Capitaine Delvaux, éminent archéologue et géologue de la planchette de Flobecq vers 1880.

Il faisait remonter cette dénomination si pas aux premiers occupants du pays tout au moins aux Gaulois qui dressaient à la chasse, au lieu de chiens, les renards et les chats sauvages. On nous en a proposé bien d'autres, mais il nous semble que nous nous trouvons simplement devant un toponyme d'origine anecdotique. Y aurait-on trouvé une de ces bêtes terrifiantes qu'on dénomme chat sauvage ? Ou bien une de ces bêtes tenait-elle son repaire dans un des bois proches de cet endroit qui aurait été son terrain de chasse ? Craignait-on la rencontre d'un chat sauvage dans ces parages ? On peut le supposer et c'est l'explication la plus simple et la plus plausible.
Nous nous permettons donc ici le trait d'union avec le sabbat d'Ellezelles puisque l'histoire de Quintine, la terrible sorcière locale nous renseigne la légende selon laquelle sa déchéance et le pacte qu'elle signa avec le diable provient bien d'une affaire que nous dirons "privée" entre une pauvre villageoise et un meunier qui lui fit des avances par trop pressantes. D'autre part, nous avons vu que la présence du loup garou au sein du sabbat semble témoigner de la présence, jadis sur ces terres, d'animaux (ou d'un seul animal ?) qui terrorisait la population. Mais est-il vraisemblable qu'un ou plusieurs chats, même sauvages, aient pu causer tant de trouble alors que sa (leur) présence était apparemment focalisée dans un seul hameau ? Est-il possible que les choses aient été telles qu'on ait pu assimiler de simples chats sauvages au loup-garou ?
Au niveau strictement biologique, le chat sauvage se caractérise du chat domestique par sa
plus grande taille (il peut aller jusqu'à un mètre, ce qui est déjà assez impressionnant) un crâne plus large et un instinct de prédateur
plus développé. Ainsi, il est tout à fait possible à un chat sauvage d'égorger une trentaine de poules sur la même nuit (il est nocturne) pour assurer la subsistance de
ses petits (on imagine la tête des éleveurs !), exceptionnellement il peut s'attaquer à du petit gibier, agneaux, faons de chevreuils, etc.
Il ne s'attaque jamais à l'homme, pas plus que les autres animaux en général, mais gare à qui le dérangerait, l'attaquerait, etc.
Actuellement, le chat sauvage a pratiquement disparu de nos régions mais ce n'était pas le cas à l'époque qui nous intéresse. Toutefois on remarque un anachronisme flagrant entre les deux faits : les origines du sabbat d'Ellezelles remontent à 1610 et le moulin n'a été construit que plus d'un siècle plus tard ! L'histoire du meunier ne serait-elle donc qu'une coïncidence ? Toujours est-il qu'il fut construit et "baptisé" selon un lieu dont l'appellation est au moins trouble. Nous approfondirons plus loin.
Poursuivons d'abord la lecture des écrits de Jacques Vandewattyne.
Par un bail datant de 1750, la comtesse de Marsan donna à ferme
le moulin du Sablon à Dominique Van Lierde. Le temps a dégradé et sali ce document. C'est avec beaucoup de peine que l'on parvient à déchiffrer
sur la dernière page du bail : " ... avec pouvoir de faire le moulin de Tombelle lequel S. A. peut reprendre au bout d'une année par estimation 4 May 1750 ".
Dominique Van Lierde se mit alors à la recherche d'un endroit favorable au hameau de Tombelle pour l'érection de ce nouveau moulin. Le 9 juin
1750, il procéda à un échange de terrain. Il donna un journal sur Belval, tenant au grand chemin d'Ath à Audenarde pour recevoir 70 verges
de terre labourable sur le camp Del Rocq, tenant au grand chemin de Tombel au Baufaux. Le dit Van Lierde prit adhéritance des 70 verges au nom et
profit de Son altesse Madame la Comtesse de Marsan, dame de la ville de Lessines, de Flobecq, d'Ellezelles, etc. Le 23 septembre 1769,
octroi en faveur de Pierre-François Van Lierde accordant la permission de continuer l'usage du moulin à vent, à moudre grain nommé communément le moulin du chat Sauvage,
qu'il a érigé sans octroi depuis dix-huit ans environs au village d'Ellezelles, à charge de payer à la recette des domaines d'Ath une reconnaissance annuelle de
vingt-deux livres tournois, monnaie du Hainaut. (Chambre des Finances C. 764). "Depuis dix-huit ans", cela nous reporte donc vers 1751. Dans
l'acte d'échange de terrains entre Risselin et Van Lierde, il est précisé "estant conditionné que les (parties) contractantes entreroints
respectivement e...(sc) avoir le dit Van Lierde prestement et (le dit) Risselin cito après la dépouille". Les travaux devaient donc commencer pendant l'été 1750.
D'après le charpentier des moulins, Maurice Vercruysse, il fallait bien une année au minimum pour construire un moulin à vent. Surtout que de
ces temps là on devait scier toutes les poutres et toutes les planches à la main.
Nous pouvons donc dater notre moulin du Chat
Sauvage de 1750-1751. Généralement le travail était attribué par marchandage à un Maître Charpentier." Il devait exécuter tout le charpentage et livrer le sciage, mettre
et attacher tout le fer qu'il y appartiendra. Il devait faire et parfaire le moulin et le livrer moulant à la date fixée dans le contrat ".
Les recherches et savants calculs de Jacques Vandewattyne nous permettent donc bien de situer l'apparition du moulin du Cat Sauvage bien ultérieurement aux faits de sorcellerie dont il est question dans le sabbat. Le mystère demeure donc provisoirement entier.
La princesse Marie-Louise de Rohan-Soubise, comtesse de Marsan, aura probablement repris le moulin par estimation comme il était
convenu dans le bail de 1750. Elle possédait à Ellezelles une propriété comprenant 300 hectares.
La famille de Rohan jouissait d'une influence immense à la cour de Louis XVI, où la comtesse remplit longtemps la fonction de gouvernante des
Enfants de France. Elle vendit le moulin du Chat Sauvage en 1789. Cela semble une vente isolée qui n'est peut-être pas en rapport avec la révolution
française, car ses biens furent placés sous un séquestre qui fut levé pendant le consulat. Et ce n'est que quelques années avant sa mort, en l'an
XIII qu'elle vendit tous ses biens de Belgique, sauf la terre de Gramont, à M. Lefebvre de Tournai pour la somme de 2.000.00 livres. Le moulin fut à vendre
pendant l'espace de neuf mois. Jacques-François Van Lierde, fils du constructeur Dominique l'acheta pour la somme de 2.800 livres.
Le 12 juillet 1791, Charles
Lizon se maria avec Marie-Anastasie Van Lierde, fille de Jacques François. C'est ainsi que le moulin passa dans la famille Lizon qui l'exploita jusqu'en 1935.
En 1822 lors du décès d'Anastasie Van Lierde, les enfants font une déclaration dans laquelle ils évaluent les biens "à eux échus". Il est assez curieux de constater que 100 verges de terrain y sont évaluées à 650 F., la Ferme du Chat Sauvage sur 140 verges à 3.000 F. et le moulin sur 60 verges à 5.000 F.
Les Lizon se faisaient aider par un valet qui travaillait au moulin, «el monni» (le meunier en wallon) et par des «kacheus de monnées» qui étaient chargés d'aller quérir le blé dans le voisinage. (NDLR : il s'agissait bien là du travail de Quintine !) Quelques noms nous sont restés : Vanderkove Richard, Cornil Théophile, Dutilleul Fernand ... Vers 1935 Marcel Bekers hérita du moulin de Nestor Lizon. Il y effectua beaucoup de changements : Placement d'un moteur à mazout, nettoyeur à soufflerie, etc.. Il fit également recouvrir deux ailes de plaques d'aluminium, ce qui donna plus de prise au vent et augmenta ainsi le rendement. René Gabreau acheta le Chat Sauvage en 1939. Il y travailla pendant la guerre puis le donna en location à Oswald Dutilleul. Nous arrivons alors à la période pendant laquelle le Syndicat d'Initiative d'Ellezelles, ne ménageant pas ses efforts, multiplia ses démarches afin que notre dernier moulin à vent ne disparaisse à son tour. (...)
Il nous a fallu pas mal de recherches pour trouver la solution de l'énigme. Disons tout d'abord que, d'après JV (Non, pas Jules Verne, Jacques Vandewattyne!). il n'est pas question de moulin du Cat sauvage dans l'histoire de Quintine mais du moulin d'Hubermont ou Bouckaert. Une nouvelle parenthèse s'impose :
Ellezelles, village habité depuis les temps les plus
reculés était essentiellement agricole. Avant la création de la nouvelle frontière linguistique qui l'amputa de 3 hameaux, la commune avait une superficie de
2.389 ha et eut une population allant jusqu'à 6000 habitants. Celle-ci était répartie en de nombreux hameaux jaloux de leur manière de vivre. Ils
élisaient leur «maïeur», avaient leur chapelle et même leur dialecte. Les paysans, économes et travailleurs étaient fiers de posséder leur
habitation où ils étaient «rois» de leur lopin de terre. Cet aspect humain joint à une configuration spéciale de la région : une cuvette
entourée de lignes de collines d'où dévalent de nombreux ruisseaux, ont suscité l'apparition de nombreux moulins.
Les premiers moulins furent des moulins à eau :
Au nord, le Molenbeek permit de faire fonctionner le moulin de la Riscoterie au Breucq.
Tout au sud, le Ribeaucourt alimenta le moulin du Gauquier (+ ou- 1275 / ...).
Nous remontons vers le nord, le ruisseau d'Hubermont alimenta le moulin d'Hubermont ou Bouckaert (avant 1276/1934)
L'Angre se dirigeant vers le Centre fit tourner le moulin Dominique (.../1870 , 1900) à Camp et Haies, puis sortant du village par la trouée de
l'est alimente toujours le Tordoir (avant 1276/1950) restauré et visitable, et plus loin le Moufflu (1750/1970) en rénovation.
Les collines virent l'érection de plusieurs moulins à vent. Quoique l'on en trouve deux qui font exception. Le plus ancien connu était le moulin
du Sablon (avant 1276/1791) dominant la Haute Bruyère. C'est surtout la période de la fin du XVIIIe et du début de XIXe siècle qui vit tourner
bien des ailes. Les vents dominants du S.O. orientèrent les constructeurs de moulins.
Le moulin Bouckaert est donc
historiquement celui qui nous intéresse et Bouckaert Séménil est effectivement lié à la seigneurie d'Hubermont.
Cependant, il s'agissait d'un moulin à eau. Il a été maintes fois détruit et reconstruit et n'existe plus à l'heure actuelle. Il vit son érection avant
1599 puisqu'il subit notamment une reconstruction en cette année. Il cessa ses activités en 1984, ses viviers furent remblayés. Malgré cela, nous avons
pu trouver des photos des vestiges de ce moulin et même le témoignage de ces derniers occupants !
Sylva Bastien: "... Moi j'avais deux habitations. Mes parents qui habitaient près du moulin du Cat Sauvage et puis ma grand-mère qui habitait ici près du moulin Bouckaert.
Je pêchais ici dans les étangs avec Adrien Dekeyser,
un copain d'école qui était le fils des occupants du moulin. Sous la roue du moulin, il y avait au moins 2 à 3 mètres d'eau.
On venait à pied du moulin du Cat Sauvage à travers champs par les carrières, les sentiers. A vol d'oiseau, 2 km et ½. Mais bon quand on a 12, 13 ans, ça ne nous faisait pas reculer et on n'avait que ça pour amusement.
En 1948, Quand Baudouin et Adrienne Dekeyser ont quitté le moulin, il a été racheté par Albert D'haeyer qui est toujours là maintenant.
L'étang a été comblé pour en faire une prairie. Le moulin Bouckaert est connu aussi sous le nom du moulin du Bermont, un restant de ce qui était l'ancien château du Bermont. Moi je ne sais pas pourquoi on l'a appelé moulin Bouckaert. Je l'ai toujours connu sous ce nom là..."
Nous ne pourrons pas nous prononcer quant au second nom de ce moulin, faute de documents. Mais le fait qu'il s'agissait bien d'une partie de l'ancien château nous renvoie au récit de Quintine qui confirme les faits (elle était jalouse des beaux habits des seigneurs et gentes dames qu'elle voyait festoyer par la fenêtre de la laverie). Nous remarquons aussi la retranscription du nom des lieux qui va de Hubermont à château du Bermont. Il est fréquent que le patois wallon de la région procède à une inversion de l'ordre des mots, ainsi le Bermont devait désigner le mont du "Bert", soit le mont d'Albert. Le grand Albert, quant à lui, rappelle le grand alchimiste que connaissent tous les amateurs d'ésotérisme. Il n'est donc pas étonnant qu'au cours du temps une confusion notable se soit produite entre les deux endroits, assez rapprochés d'ailleurs (et éloignés d'une distance égale à celle qui sépare le départ du cortège du marais aux sorcières !). Cette distance est encore plus vite parcourue si l'on se déplace sur un balais, au dessus des haies et des buissons...
Soit ! Mais cela ne résout en aucune façon le problème du loup-garou.
L'explication à ce "phénomène" doit se trouver dans des éléments parfaitement cartésiens et "humains". Il y a d'une part toute la superstition liée aux chats et principalement ceux de couleur noire. D'autre part, la lycanthropie elle-même, c'est-à-dire la prétendue faculté qu'auraient certains êtres humains à se transformer en loups.

Dès le Moyen Age, l'Inquisition et l'Église traquèrent le chat de couleur noire. Elles l'associaient aux sorcières, elles-mêmes victimes de la
persécution chrétienne. L'Église voulait lutter contre les rites païens, encore très ancrés et inventa le chat démoniaque. Ce chat symbolisait
le monde des ténèbres qui éloignait le bon chrétien du droit chemin. On le soupçonnait des pires forfaits. Il participait à des sabbats
mystérieux en compagnie du diable. C'était donc la parfaite représentation de Satan. A cette époque, il était souvent mêlé à des procès de
sorcellerie. Dans le procès des Templiers, il est fait mention d'adoration de Lucifer qui apparaissaient à ses adeptes sous la forme d'un
chat. En 1561, un procès eut lieu où l'on accusa des femmes de se transformer en chattes pour tenir leurs sabbats.
Ces procès se finissaient toujours par la mort des accusés mais également des pauvres animaux. Ces derniers étaient jugés comme des personnes.
Il est évident que l'Église avait trouvé, là, un bouc émissaire idéal pour lutter contre ses ennemis et frapper l'imaginaire populaire qui
avait besoin d'une victime en chair et en os pour croire au Malin.
Le chat, surtout quand sa robe était noire, attira
tout au long du Moyen Age un déchaînement de violence. Il devint la victime de la cruauté collective. Dans de nombreuses villes d'Europe,
souvent en période de Carême, ont organisait des bûchers pour y sacrifier des centaines de chats. Les malheureux chats étaient suspendus par la
foule en haut d'un mât, sur le bûcher ou jetés dans des paniers d'osier au milieu du brasier. Quand le rituel était terminé, chacun prenait
une poignée de cendre pour la répandre dans sa maison et dans les champs, afin de se préserver de la disette et des épidémies.
Cette cruauté stupide envers les chats ne concerne pas que la France. A travers toute l'Europe, des rites sacrificiels étaient organisés. En Belgique, le sinistre «Kattestoët» ou «jets de chats» s'est poursuivi jusqu'en 1817. Le bourreau jetait du haut de la tour trois chats vivants. Si l'un des chats survivait à la chute, il était poursuivi par la foule hystérique jusqu'à ce que mort s'ensuive. On a découvert un groupe de chats momifiés, emmuré dans une aile de la Tour de Londres. En effet, on emmurait souvent des chats vivants, dans une maison ou un édifice, pour s'attirer les faveurs de Dieu et conjurer les maléfices.
Dans le cas qui nous concerne (sans jeu de mots wallon), il est facile d'imaginer que si des paysans avaient rencontré fortuitement l'un ou plusieurs de ces félins sauvages, donc d'une taille au dessus de la moyenne et a fortiori s'il s'était agi d'exemplaires exceptionnellement gros comme il en existe parfois, la vue de leurs yeux verts, brillants dans l'obscurité, animés d'une cruauté apparemment satanique ne devait pas les tranquilliser ! Si on avait pu établir qu'ils s'étaient rendus coupables de la mise à sac de leurs poulaillers ou de leurs troupeaux il était facile de les diaboliser, dans le cas contraire on détenait un bouc émissaire tout trouvé par ses supposées accointances avec le diable !
Dans
le cas du loup garou, il faut savoir que d'après la légende il s'agit le plus souvent d'un sorcier puissant qui a pactisé avec
le diable lequel lui a conféré ce pouvoir étrange et redoutable de se transformer de la sorte. Il s'agit d'un point de vue très répandu lors de la
fameuse Inquisition. Ce fait s'apparente donc évidemment très bien avec le contexte qui nous intéresse ici. Mais il a également été scientifiquement admis que certaines
maladies mentales présentent des similitudes avec la lycanthropie. Cette forme d'atteinte psychologique qui ressemble à la schizophrénie a
été mise en évidence par Jean Wier. Mais avant l'intervention de cet homme de science, il est clair que quiconque venait à développer un
système pileux délirant, accusait des crises de "folie" dans lesquelles il se rendait coupable de méfaits, etc. pouvait facilement être considéré comme un sorcier.
C'est bien sûr l'imaginaire populaire, l'influence de l'Église, les superstitions tenaces, le contexte social régional, certains événements ponctuels parfaitement explicables à la lumière de ce que nous savons aujourd'hui mais exagérément grossis par des villageois impressionnables et prompts à attribuer l'inconnu aux forces de l'ombre... ainsi que les confusions regrettables et, enfin, l'influence de Jacques Vandewattyne (influence tout à fait positive, hâtons-nous de le dire !) qui ont véhiculé le mystère et fait croire au surnaturel.
Et puis, juste une dernière chose encore. Le loup garou a depuis toujours été étroitement lié au vampire dont on se débarrasse de la même manière, ou
presque. Ainsi, la tradition veut que l'on puisse vaincre un loup garou en lui enfonçant une lance ou un pieu dans le coeur. Il faut toutefois que
la lame soit entièrement en argent et bénie au nom du saint des chasseurs. Ce
dernier n'est autre que Saint Hubert. Alors ? Albert ou
Hubert, peu importe ! Le wallon, toujours soucieux de facilité ne retient que la dernière syllabe, soit "Bert".
Quoi de plus normal dès lors pour le mont dont nous avons parlé : le mont d'Hubert (Hubertmont) ou celui d'Albert (le Grand Albert alchimiste) "du Bermont"...
A moins bien sûr que Quintine qui, ne l'oublions pas, pouvait se transformer en chat, n'hante encore la région et n'y sévisse de temps en temps.
Remarquable, non ? Mais il ne convient pas de nous féliciter.
Car le génie provient de ce bon vieux Jacques Vandewattyne.
Le diable du sabbat d'Ellezelles, grand instigateur de toutes les turpitudes humaines, celui par qui le malheur arrive...