Quintine, la sorcière d'Ellezelles

Centre d'Études et de Recherches

sur les Phénomènes Inexpliqués

Ellezelles, le pays des collines et sa sorcière : Quintine

Nous allons faire à présent une petite parenthèse à propos de Quintine, dont on ne sait en fait que fort peu de choses au niveau historique, sinon bien sûr qu'elle fut considérée comme une sorcière au pays des collines et qu'elle périt par le feu et la corde en 1610. Mais qui était-elle, que faisait-elle, pourquoi a t'elle été considérée comme une diablesse, un suppôt de Satan ?


Pour répondre à ces questions, il convient de consulter les archives de (feu) Jacques Vandewattyne en se figurant bien que, si talentueux et imaginatif pouvait-il être, ce grand bonhomme du Folk Art et passionné du surnaturel n'en savait probablement pas beaucoup plus que nous. Néanmoins, ses écrits regorgent d'idées intéressantes qui traduisent d'ailleurs fort bien la mentalité de l'époque en témoignant presque parfaitement, pensons-nous, du déroulement réel des opérations.

Quintine était une enfant pauvre, vivant dans une misérable masure non loin de la butte de l'Aulnoit. Elle n'avait pas connu ses parents, mais seulement sa grand-mère qui vivait des remèdes qu'elle prodiguait aux seigneurs de la localité. Très tôt, Quintine se montre assez jalouse des beaux habits des seigneurs et des gentes dames qu'elle voyait festoyer de la fenêtre de la laverie. Jalouse mais aussi un peu rancunière quant au manque de générosité qui récompensait les efforts de sa grand-mère pour soigner les gens de la haute.

Une image que l'on ne trouvait pas dans l'ancien site du CERPI :

Incontestablement, Ellezelles est le pays des sorcières ! On les retrouve partout, en toutes circonstances...

Remarquez toutefois ici le déguisement particulier de la sorcière : qui eut cru que l'on en trouverait même avec des vêtements réfléchissants rouges avec des bandes blanches ?

Il paraîtrait même que certaines sorcières disposent de fourgonnettes blanches rayées de bleu, avec un gyrophare sur le toit...

Jacques Vandewattyne était le "père spirituel" du grand sabbat des sorcières d'Ellezelles. Excellent conteur qui captivait nos auditeurs (lorsque j'étais radiolibriste), très sympathique et non dénué d'humour, nous lui faisons ici un petit clin d'oeil posthume. Nous lui devons une énorme quantité d'informations sur la région des collines, sans compter une masse considérable d'illustrations qui agrémentent le présent dossier...

Quintine explique que sa bonne vieille grand-mère tenait un pouvoir spécial de ses propres parents qui eux-mêmes le tenaient de leurs ancêtres et ainsi de suite. Elle ne soignait pas que les gens mais aussi les animaux et le travail ne manquait pas. Pour le mener à bien, elle avait du étudier, par ses propres moyens forcément très limités, les plantes et leurs vertus. Quintine participait à la récolte des (plantes) "simples" qu'il convenait de cueillir à jeun, la veille de la Saint-Jean, au mois de juin, avant le lever du soleil, car ainsi elles conservent leurs vertus et fournissent des remèdes efficaces.

Par exemple, l'aigremoine était utilisée contre les incontinences d'urine, la diarrhée et la dysenterie, l'angélique servait contre les "coliques venteuses" et pour la digestion, l'armoise contre les "tournements de tête", les défaillances et pour rappeler les règles, ou encore la bardane pouvait servir à réaliser des emplâtres à mettre sur la poitrine afin de lutter contre les vieux rhumes, pour éliminer les furoncles et les maladies de la peau.

La grand-mère de Quintine fabriquait donc des sirops "à l'ancienne", c'est-à-dire avec des limaces, des potions et d'autres produits à la composition peut-être un peu simpliste mais dans lesquelles on trouvait quand même une certaine logique donnant une efficacité relative. Ainsi, pour les blessures, on utilisait un produit à base de fleurs de lys et d'eau-de-vie et cette dernière avait au moins la propriété de désinfecter les plaies. Bref, la grand-mère en question était un peu pharmacienne avant la lettre.

Ellezelles, le pays des sorcières, aussi appelé pays des collines, est le village élu du folklore. Mais en dehors de son célèbre sabbat et de ses histoires surnaturelles, il s'agit d'une bourgade tranquille, paisible, qui mérite toutefois le détour. C'est l'endroit idéal pour une petite ballade dans les contrées boisées, au grand air.

Il y a quelques centaines d'années, l'endroit était empreint d'une superstition des plus marquées. Il suffisait de peu pour être catalogué comme suppôt de Satan et de terminer sur un bûcher.

Vous pourrez en savoir beaucoup plus sur cette superbe région en consultant notre dossier consacré aux sentiers de l'étrange et à la région d'Ellezelles, capitale du pays des collines.

Mais les choses ne s'arrêtaient pas là car, bien sûr, elle n'obtenait pas forcément toujours les résultats espérés. Dans ces cas là, elle invoquait les saints et les images pieuses et elle savait quels saints il fallait aller servir. Or donc, d'après cette source, on constate que l'on est bien éloigné d'une quelconque magie noire et que les buts poursuivis étaient plutôt louables. Parmi les saints invoqués, Jacques Vandewattyne évoque St-Antoine de Flobecq - La Hamaide - Buissenal; N.D. des Joyaux de Montroeuil-au-bois, la chapelle St-Ghislain à Tombelle.

Mais il y a plus intéressant encore puisque nous avons parlé d'un don. Elle prononçait donc des formules magiques qu'elle lisait dans un vieux carnet, elle soufflait le mal en dehors des gens et, en dernier recours, elle faisait appel à la magie de ses ancêtres et conseillait aux malades d'aller clouer leur mal au chêne Saint Pierre à Ostiches. Quintine avait donc une ascendance plus ou moins magique.

Mais si, comme on pouvait s'y attendre, elle prit la relève de sa grand-mère le jour venu, la vie a aussi parfois de ses aléas qui transforment les beaux rêves d'enfants en véritables cauchemars. Or donc, Quintine travaillait bien et fournissait aux meuniers de la région le blé que sa grand-mère avait obtenu en échange de ses services. Mais l'un de ces meuniers (allez savoir s'il ne s'agissait pas de celui du Moulin du Cat Sauvage?) sympathisa progressivement avec elle et lui fit des avances de plus en plus pressantes auxquelles Quintine finit par céder, innocente de ce qui se tramait. Un jour, la meunière s'aperçut que son mari la trompait avec Quintine et ce fut le drame !

Elle fut accusée d'être une "voleuse de farène" (voleuse de farine) - un crime abominable à l'époque - et expulsée du village après avoir été exposée au pilori sur la place d'Ellezelles. Son bannissement était prévu pour durer cinq longues années.
Dans les conditions de l'époque, cette sanction s'avérait extrêmement lourde et comme de fait elle fut considérée partout comme indésirable car elle traînait une "lourde réputation de "voleuse de farène" derrière elle. Ce qui l'empêcha de retrouver du travail mais pas d'enfanter du fils du riche meunier d'Hubermont...

L'histoire raconte ensuite comment Quintine erra ensuite dans une terre qui lui était devenue totalement hostile. Elle était chassée de partout et se trouvait non plus dans une grande pauvreté mais bien dans la misère la plus complète et le désespoir. A la longue, elle avait aussi fini par nourrir un grand désir de vengeance à l'égard des habitants de la région. C'est dans l'un de ces moments de détresse que le diable lui apparut et lui proposa un pacte. Elle aurait à manger et à boire, elle aurait tout ce qu'elle voulait mais, pour cela, il fallait qu'elle vende son âme à Belzébuth. Le choix était simple, mourir de faim ou accepter l'aide de Satan ! N'ayant plus rien à perdre, Quintine accepta et rédigea le texte voulu par le diable avec son propre sang. Le Prince des ténèbres en fit sa servante mais aussi sa compagne d'un soir. Il la pinça "à la boudène" (au ventre, la boudine = la bedaine) et elle fut marquée.

(...) Avec l'aide de Satan, j'entrepris un long voyage, un très long voyage qui me conduisit auprès des principaux sorciers, sorcières macrales, du Nord de la France et d'Allemagne. Ils m'initièrent à l'art infernal de la magie noire, à la pratique du mal. Je ne pensais plus qu'à une chose : Vengeance ! Vengeance ! Vengeance ! Vengeance ! (...)
Et voilà comment Quintine, d'une brave petite fille qu'elle était, devint l'une des plus terribles sorcières que l'on ait connu dans la région. Elle fit des alliances avec d'autres personnes auxquelles elle prêta main forte pour certaines réalisations douteuses, étudia les grimoires, rencontra encore d'autres sorciers, apprit à se transformer en chat - ce qui était très pratique pour entrer dans les étables et y semer la pagaille, elle fit périr le bétail. A l'aide de figurines spéciales, elle se mit aussi à faire souffrir les gens par magie noire.

Elle apprit surtout la fameuse formule magique qui permet de voler sur un ramon pour se rendre au sabbat :

"Houp, houp, riki, rikète, pad zeûr les haies et les bouchons, vole au diable et co pu lon, là dusque les autes sont".
TRADUCTION : "Houp, houp, riki, rikète, par dessus les haies et les buissons, vole au diable et encore plus loin, là où les autres sont. Il s'agit d'une formule devenue très célèbre grâce aux oeuvres de Jacques Vandewattyne et que reprennent à de nombreuses occasions toutes les personnes qui viennent assister au grand sabbat des sorcières d'Ellezelles.

Mais, et c'est là que les choses se compliquent pour qui voudrait s'improviser sorcier, il y a un risque à utiliser cette formule ! En effet, malheur à qui se tromperait ne serait-ce que d'une syllabe, n'aurait pas l'accent du pays, ignorerait le wallon ! Le brave Jacques me raconta jadis l'histoire d'une personne qui avait intercepté la formule en écoutant aux portes et avait voulu s'en servir. Seulement, en récitant la litanie, il avait dit "à travers" au lieu de "padzeur" (au-dessus). Le pauvre s'était bien envolé avec son ramon, mais au lieu de s'élever franchement dans les airs, ce dernier avait fait du rase-mottes et était bien passé à travers les haies et les bosquets, les épineux et les ronces... On se doute de l'état dans lequel il se retrouva après cette mésaventure et que plus jamais il ne tenta l'expérience !

Quintine raconte encore comment elle se vengea du meunier en plaçant des "torquettes" (torches enflammées) sur les chemins qui menaient à son établissement. Comprenant que les lieux étaient hantés, gardés par une sorcière, les habitants n'osèrent plus se rendre chez le meunier dont les affaires périclitèrent rapidement. Ruiné, il finit par se pendre dans son moulin et Quintine prit un grand plaisir à aller danser nue sur sa tombe !

Nous pourrions continuer à vous conter ainsi les méfaits de Quintine, mais en voilà bien assez pour justifier la riposte des ellezellois...

Nous avons toutefois omis jusqu'ici de signaler qu'une fois son pacte passé avec le diable, l'apparence de Quintine se modifia très rapidement. Ses cheveux blanchirent, elle attrapa des verrues, un nez crochu, un menton en galoche, ses dents tombèrent sauf une, ses seins s'affaissèrent, elle eut mauvaise haleine, ses doigts se recroquevillèrent, elle se voûta et en quelques temps seulement, prit l'apparence d'une vieille femme. C'était le tribut à payer à Satan qui, en échange, lui fournissait pouvoir, puissance et protection. Une protection qui s'avéra finalement limitée, mais on sait fort bien que les pactes avec le diable ne peuvent pas connaître de fin heureuse.
 

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